Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1839

Louis Conard (Volume 8p. 249-251).

1839. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, jeudi, 11 heures [10 avril 1879].

Non seulement reçue, mais sur la cimaise et à une « place distinguée », puisque Mme Commanville a le no 2, Viardot a eu la gentillesse de m’écrire cela hier ! Je reçois sa lettre en même temps que la tienne. De plus, une de la Princesse qui s’en réjouit et ajoute : « Je n’ai pu encore la joindre ».

Ton Vieux est bien content de ton admission. Le portrait sera donc regardé, premier point, puis admiré, espérons-le ! Par conséquent, il t’en viendra d’autres…

Mon pauvre Laporte m’a fait peine à voir mardi soir. Le matin, il avait appris que la place d’inspecteur lui échappait. Il n’est porté par la Commission que le deuxième sur la liste ! et donc, ne sera pas nommé. Ils étaient 72 candidats… Je voudrais ne pas penser à tout cela ! J’avais commencé mon chapitre, qui allait bien. V’lan ! me voilà retombé. Que d’efforts il faut faire pour continuer à vivre !

Mme Pasca, maintenant à Rouen, chez Mme Lapierre, est très malade et ne jouera pas chez la Princesse la pièce de Guy. Ça me contrarie beaucoup. Ces deux dames viendront déjeuner chez moi dimanche et m’apporteront des primeurs.

Le temps est splendide. Les lilas vont fleurir et, en dépit de tout, quelque chose du printemps vous entre dans le cœur. Le séjour de Croisset te serait plus hygiénique que celui de la capitale, pauvre loulou ! Le dernier que tu y as fait n’était pas assez long. Quant à ta migraine d’hier, pourquoi t’avises-tu de recevoir M. *** dont la légèreté est capable de tuer un rhinocéros ?

Ce sont les journaux de Paris qui ont dit que j’assistais, à Rouen, à la première de l’Assommoir ! Depuis ton départ, re-lettres d’amis m’en félicitant. Mais plus modeste que le père Monsabré (à propos de la réception de Renan), je ne réclame pas pour si peu.

Mon rhumatisme m’est tombé dans le genou droit. Mon pied continue à enfler un peu chaque soir. J’ai essayé toutes les chaussures que je possède ; aucune ne peut me convenir. Je suis donc réduit aux pantoufles pour longtemps ; de cela, je m’en moque.

Adieu, pauvre chat, je t’embrasse bien fort.

Vieux.