Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1834

Louis Conard (Volume 8p. 244-245).

1834. À SA NIÈCE CAROLINE.
Dimanche, 5 heures [6 avril 1879].

Enfin, mon pauvre loulou, voilà donc quelque chose de bon qui nous arrive ! (d’autre part, Laporte m’écrit qu’il est sûr d’être nommé, étant le premier sur la liste). Est-ce que la fortune changerait ? La générosité des Cloquet me fait doublement plaisir et je m’applaudis de t’avoir empêchée, il y a deux ans, de renoncer à la peinture. Mais n’oublie pas (une leçon de morale, à mon tour) que l’argent ne doit jamais être qu’une conséquence et non un but. Tu en gagneras d’autant plus que tu y songeras moins.

Comme il ne faut rien négliger néanmoins voici, quant aux articles, ce que tu as à faire :

1o Écris maintenant à Lapierre, pour qu’il te recommande aux Salonniers de sa connaissance.

2o Il faut aller au cabinet de lecture du passage de l’Opéra, demander tous les journaux de la semaine et faire la liste desdits cocos. Tu me l’enverras. A priori, je ne connais que Burty pour la République française et Judith Gautier au Rappel. Mais il m’est très facile de te recommander à tous, ou presque tous. Sarah Bernhardt accomplit cette mission dans le Globe. Si tu veux, j’irai la voir. Au reste, Guy peut te renseigner là-dessus. Quelques-uns de ses amis doivent s’en mêler. Au début, la réclame sert beaucoup.

Mon pauvre Julio vit encore. On lui donne des lavements de vin et de bouillon et on va lui remettre des vésicatoires. Le vétérinaire, maintenant, ne serait pas étonne s’il en réchappait. Avant-hier, ses extrémités étaient froides, et nous le regardions, croyant qu’il allait mourir. C’est exactement comme une personne ; il a de petits gestes d’une humanité profonde.

Ah ! pauvre chère fille ! Si tu pouvais lire dans mon vieux cœur dévasté, tu comprendrais que, malgré mes mauvaises lettres, je suis stoïque. Enfin, je tâcherai de ne plus t’embêter autant.

Je crois qu’un peu de repos me fera du bien. Ma cervelle n’en peut plus et j’éprouve de grandes difficultés à travailler. Mais aussi, quel livre !

Je t’embrasse bien tendrement.

Nounou.