Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1770

Louis Conard (Volume 8p. 162-163).

1770. À ÉMILE ZOLA.
[Croisset], mercredi 27 novembre [1878].

Il m’ennuie de vous, mon bon Zola. Donnez-moi donc de vos nouvelles !

Comment se porte Nana ?

À quand l’Assommoir sur les planches ? Êtes-vous content des cabots que l’on vous destine ? Je ne reviendrai pas à Paris avant le milieu de février, quand j’aurai fini le chapitre que je commence, un chapitre lubrique ! Celui-là fini, j’entreverrai la terminaison totale. Mais quelle charrette à tirer ! Par moments, c’est dur !

La santé est bonne, mais « les affaires », mon cher vieux, sont déplorables ! La malchance me poursuit de tous les côtés.

Charpentier, il y a deux ans, m’avait promis une belle édition de Saint Julien pour étrennes. L’année dernière, il m’a lâché pour la Marie-Antoinette de Goncourt ; et repromesse au mois de septembre dernier ; et relâchage maintenant. C’est sa femme qui m’a annoncé cette gracieuse nouvelle, en me rappelant le plaisir qu’elle a eu à lire Saint Antoine ! Vous ne trouvez pas ça ingénieux, comme rhétorique ?

De plus, Dalloz ne veut pas de ma Féerie qu’il trouve « dangereuse » ; de sorte que cette malheureuse pièce, que je trouve, moi, une tentative originale, ne peut même pas être imprimée dans un journal ! ça ne m’humilie nullement, au contraire ! ça m’excite ; mais ça m’embête au point de vue financier.

Quant à Charpentier, s’il est gêné, je l’excuse, mais il aurait pu être plus franc.

Pour Dalloz, je ne vous demande nullement le secret. L’anecdote est bonne à répandre afin d’encourager les jeunes.

Bardoux a de lui-même dit à ma nièce, la semaine dernière, qu’infailliblement vous seriez décoré au jour de l’an.

Tourgueneff ne m’a écrit qu’un mot pour me dire qu’il était revenu. Depuis lors, pas de nouvelles, bien que je lui aie envoyé deux lettres.

Mes bons souvenirs à Mme Zola, et tout à vous, mon cher ami. Vôtre.