Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1685

Louis Conard (Volume 8p. 51-52).

1685. À LÉON CLADEL.
Croisset, 26 juin 1877.
Mon cher Ami,

Je suis bien en retard avec vous. Voici mon excuse : j’ai reçu vos Bonshommes au commencement de ce mois que j’ai passé presque tout entier à Paris. Là, j’ai été assailli de courses et d’affaires… j’espérais qu’un hasard vous apprendrait ma présence et je m’attendais à vous voir.

Je voulais vous dire le plaisir que m’a causé votre volume.

Tity Foyssac est une création. C’est travaillé, ciselé, creusé. L’observation, chez vous, n’enlève pas la poésie ; au contraire, elle la fait ressortir. L’enterrement de votre bonhomme est une merveille. J’ai connu des vieux dans ce goût-là.

Je ne connais pas de choses plus originales que votre Dux. L’objection que tout le monde vous fait et que je vous fais moi-même, à savoir que Baudelaire n’était pas comme ça, tombe d’elle-même, puisque vous ne nommez pas Baudelaire. Ce conte est une étude philosophique dont je ne vois l’analogie nulle part. Votre personnage principal crève les yeux, tant il a de relief et de puissance. J’aime moins la Mère Blanche, qui me paraît moins neuve. Je vous reprocherai çà et là une recherche d’archaïsme dans les mots.

Mais vous êtes un rude écrivain, mon cher ami ! Un véritable artiste !

Et je suis plus que jamais tout à vous.

Votre.