Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1592
Comme je suis content pour toi que la bonne Flavie soit maintenant tout près de ta personne ! Vous allez avoir des heures d’épanchement qui vous seront douces.
J’ai gardé un souvenir très vague de Chinon. D’après ce que tu m’en dis, c’est un pays en sucre. Tu as bien fait de défendre le grand scheik, le patriarche de la littérature française depuis trois cents ans, l’incomparable bonhomme ayant nom Rabelais. Ah ! Les bourgeois ! — y compris les bourgeoises !
Leur bêtise va parfois jusqu’à l’homicide. Hier on a retiré de l’eau, à Dieppedalle, un homme qui n’était pas tout à fait noyé. M. H***, prodiguant ses soins, l’a fait pendre par les pieds pour qu’il dégorgeât son eau, ce qui l’a achevé net.
Autre mort : celle du petit enfant de Marguerite. Elle est revenue hier soir et est désolée, ainsi que son mari…
Pas n’est besoin de te dire que dimanche j’attendais avec bien de l’impatience la venue du facteur ! Puisque c’est demain, à 10 heures, que doit avoir lieu la fameuse réunion, Ernest me paraît plein de prudence. Quoi qu’il advienne, il faut qu’il aille tout de suite aux Eaux-Bonnes. Il me semble qu’il en a besoin plus que jamais.
Demain j’irai à Rouen pour voir des perroquets empaillés et M. le maire, car la souscription Bouilhet revient sur l’eau.
Rien de neuf.
Je travaille beaucoup et redoute le monde,
Ce n’est point dans les bals que l’avenir se fonde.
Pour écrire une page et demie, je viens d’en surcharger de ratures douze ! M. de Buffon allait jusqu’à quatorze !
Encore un mois de cet exercice, puis je le recommencerai à propos d’Hérodias !
Quand vous embarquez-vous pour Lourdes ?
Pas trop d’exaltation !
Et pense toujours à
qui te chérit et t’embrasse.
[Putzel va très bien et ne me quitte pas.]
Quant au Cœur simple, c’est aussi bonhomme que Saint Julien est effervescent, et je crains que tu n’éprouves une déception, étant une personne qui aime les choses à plumet.