Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1512

Louis Conard (Volume 7p. 218-219).

1512. À PHILIPPE LEPARFAIT.
Mardi soir, minuit, 17 novembre. [1874]
Mon cher Ami,

Le Sexe faible a dû, aujourd’hui, être porté à la censure.

Weinschenk a peur pour le ministre, mais si on supprime le mot ministre, le rôle n’existe plus et la pièce devient incompréhensible. Le général peut être un général suisse (suisse — oh très bien !) mais ministre est irréductible… c’est à prendre ou à laisser.

Écris à ton père ce que tu jugeras convenable.

Tu connais la question aussi bien que moi, et il s’agit de tes intérêts plus que des miens.

Si ton père et Beauplan nous soutiennent (et ils peuvent nous soutenir puisque les censeurs ne relèvent que d’eux, et d’un seul quoi qu’on en dise) nous sommes sauvés. Sinon, non.

En désespoir de cause, j’écris (encore une fois) à d’Osmoy ! et je préviens R. Duval pour qu’il parle à son cousin Chabaud-Latour. Je ne puis faire davantage.

Je sais pertinemment que Weinschenk compte sur un grand succès d’argent.

Le Sexe faible est son dernier enjeu et il fera tout ce que je voudrai. Mais si là encore on supprime le ministre, bonsoir !

Je ne cache point que je suis gorgé d’amertume et que je commence à en avoir assez et même à en avoir trop !

Il ne serait peut-être pas mal que tu fasses le voyage de Paris, Dimanche. Ça en vaut la peine. Au reste, c’est ton affaire.

Je prévois que ton père ne va pas te répondre, moyen commode de se tirer des pas difficiles, et que le Sexe faible sera arrêté par la censure ; mais ils s’en repentiront.

Je t’embrasse, ton