Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1358

Louis Conard (Volume 6p. 460-461).

1358. À ERNEST FEYDEAU.
Dimanche soir [fin décembre 1872].

Rien de neuf dans ma vie, mon cher vieux. Je la passe uniformément au milieu de mes livres et dans la compagnie de mon chien. J’avale des pages imprimées et je prends des notes pour un bouquin où je tâcherai de vomir ma bile sur mes contemporains. Mais ce dégueulage me demandera plusieurs années.

Les temps ne sont point propices à la littérature. Aussi n’ai-je aucune hâte de publier. D’ailleurs, c’est trop cher pour mes moyens. Dernières chansons, de mon pauvre Bouilhet, va me coûter d’ici à la fin de cette présente année la légère somme de 2 000 francs, si ce n’est 2 500 ! Lévy est gigantesque de rapacité et de mauvaise foi. Je te donnerai sur tout cela des détails édifiants.

Tu me verras vers le 30 janvier, peut-être avant. J’irai passer une semaine à Nohant chez Mme Sand, puis je resterai à Paris jusqu’au mois de mai.

Que dis-tu de l’histoire de Robin ! N’est-ce pas énorme ? Toi non plus, mon bonhomme, tu ne seras pas du jury, ni moi non plus, ce dont je me f… profondément.

Tout cela nous prépare encore de beaux jours ! Les libéraux voteront avec les rouges, et nous entrerons (pour longtemps cette fois) dans l’horrible. Il faudra en remercier la Droite de l’Assemblée. Amen !

J’ai pris 51 ans le 12 de ce mois ; c’est une consolation.

Que 1873 te soit léger.