Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1337

Louis Conard (Volume 6p. 429-430).

1337. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mercredi [9 octobre 1872].
Chère Caro,

Je suis fort étonné ! Pas un mot de toi depuis huit jours ! Es-tu malade ? Ta lettre s’est-elle égarée ? Ou tout simplement as-tu un peu oublié Vieux ? C’est à cette dernière hypothèse que je m’arrête.

J’ai reçu une lettre de Tourgueneff qui, depuis quinze jours, est re-couché avec la goutte. Il espère en être débarrassé à la fin de cette semaine et venir au commencement de la prochaine. Du 15 au 20, j’attends le sire d’Osmoy. Dimanche j’ai été dîner chez Lapierre et j’y ai été à pied, par le bord de l’eau, pour jouir du spectacle de la nature. Eh bien, mon héroïsme ne m’a pas réussi. Une barque pleine de gueulards et qui remontait la Seine, derrière moi, m’a gâté le paysage. Le dîner chez ma belle amie n’a pas été non plus très amusant : le général de F*** manque radicalement d’esprit et le jeune de P*** en possède fort peu. J’aurais mieux aimé le repas sans ces deux convives. Voilà toutes les nouvelles. J’ai tant lu que j’ai un peu mal aux yeux. Comment vivre, s’il faut me modérer sur ma lecture ! J’espère me guérir en ne faisant rien et en continuant tout de même.