Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1223

Louis Conard (Volume 6p. 305-306).

1223. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, dimanche 1 heure, 12 novembre 1871.

J’ai bien des choses à te dire, mon pauvre loulou : 1o  Ta grand’mère a une femme de chambre ! Donc ne t’occupe pas de lui en chercher. 2o  Nous serons à Paris à la fin de cette semaine, peut-être même jeudi.

J’ai reçu ce matin une lettre de Duquesnel qui me dit de venir. Les répétitions commenceront dans dix jours, et la direction veut régler les décors et la mise en scène tout de suite. Comme j’étais ennuyé de n’entendre point parler de ces messieurs, j’ai expédié Philippe qui doit être à Paris maintenant. C’est à son retour, demain soir ou après-demain matin, que je saurai positivement le jour de mon départ.

Vinet m’a envoyé un mémoire de 1 100 francs pour vin fourni, en partie, à messieurs les Prussiens. Il attendra jusqu’à Noël.

Préviens aussi ton mari que je lui demanderai de l’argent pour mon propre compte. Assez causé de ces choses-là qui m’assomment de plus en plus ! Tu sauras donc, mon Caro, que ce matin, à 5 heures, j’ai terminé (enfin !) la cinquième partie de Saint Antoine sur laquelle je suis depuis le commencement de juin. Terminé n’est pas très exact, car il me faut bien encore deux ou trois jours pour finir et modifier quelques phrases. C’est un fameux poids de moins sur la poitrine.

Malgré le plaisir, ou plutôt le bonheur, que j’aurai de te voir souvent cet hiver, j’aimerais mieux rester ici, dans « le silence du cabinet », à gueuler mes phrases emphatiques, que de m’en aller à Paris me bouleverser les nerfs et dépenser mes pauvres monacos, peu nombreux.

Ton oncle devient scheick, il n’aime pas le dérangement.

Adieu, pauvre chère Caro, à bientôt.

Ton vieux chanoine de Séville.