Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1165

Louis Conard (Volume 6p. 218).

1165. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset jeudi [1871].

Dans le petit mot que vous m’avez envoyé en arrivant à Saint-Gratien, vous me faisiez espérer une épître.

Je l’attends toujours, Princesse.

Popelin m’a donné deux fois de vos nouvelles, mais j’aimerais mieux en avoir de vous-même. J’irai en chercher, dès que ma nièce aura emmené ma mère de Dieppe, c’est-à-dire dès que je serai libre.

N’oubliez pas de me dire sous quel nom il faut vous écrire. Sous le vôtre tout bonnement, n’est-ce pas ? Pardonnez-moi, pour cette fois, mon excès de prudence.

Le plaisir de vous retrouver chez vous doit adoucir l’amertume des Prussiens. Car vous en avez sans doute ? Nous autres, nous n’en sommes pas délivrés. C’est un bonheur qu’on nous annonce toujours comme très prochain, et qui est remis de semaine en semaine, de jour en jour. J’en suis arrivé à l’exaspération. Tout ! Tout ! (même la Commune) plutôt que les casques à pointes. Je n’ai jamais rien haï comme ces gens-là, car rien ne m’a fait plus souffrir !

Il me semble qu’il y a maintenant calme plat sur l’Océan politique. La tempête ne peut toujours durer ! Et vous, à présent, vous êtes une simple citoyenne ? Mais pour nous, vous resterez toujours notre Princesse, notre chère Princesse dont je baise les deux mains dévotement.

Son fidèle.