Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1158

Louis Conard (Volume 6p. 210-211).

1158. À SA NIÈCE CAROLINE.
Bruxelles, mardi soir, 4 heures [21 mars 1871].
Chère Caro,

Où êtes-vous ? à Dieppe, à Rouen, ou à Paris ? J’espère que ton mari n’aura pas fait l’imprudence de vous mener à Paris. J’ai télégraphié deux fois à Rouen (par la voie d’Angleterre qu’on m’a dit être la plus sûre) et n’ai reçu encore aucune nouvelle. Je vous ai écrit tous les jours, et dans tous les endroits où vous pouviez être. Rien !

Je regrette beaucoup d’être parti ! Aujourd’hui, on ne peut pas rentrer dans Paris, et à la frontière française l’autorité républicaine vous cherche des chicanes. Donc je m’embarque demain à Ostende pour Londres, d’où je compte revenir par New-Haven.

Les Prussiens sont-ils rentrés dans Dieppe et à Croisset ? Que faire ? et où aller, une fois revenu en France ?

Comment va notre pauvre vieille ?

J’ai reçu hier sa lettre de vendredi, mais à ce moment vous ne saviez rien de Paris.

Tout n’est donc pas fini ! On sera éternellement inquiet et embêté ! Et les affaires d’Ernest ? Comment s’arrangent-elles avec l’émeute ? Si je n’avais promis positivement d’aller en Angleterre, je reviendrais immédiatement à Dieppe, sans m’arrêter à Londres, tant j’ai envie de savoir ce que vous devenez.

Nous revoilà dans les mêmes tracas que cet hiver.

Adieu, pauvre chérie. Je t’embrasse bien fort ainsi que maman.

Ton vieux scheik.