Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1095

Louis Conard (Volume 6p. 109-110).

1095. À GEORGE SAND.
[Paris] lundi matin, 11 heures [4 avril 1870].

Je sentais qu’il vous était arrivé quelque chose de fâcheux, puisque je venais de vous écrire pour savoir de vos nouvelles, quand on m’a apporté votre lettre de ce matin. J’ai repêché la mienne chez le portier ; en voici une seconde.

Pauvre chère maître ! Comme vous avez dû être inquiète ? et Mme Maurice aussi ! Vous ne me dites pas ce qu’il a eu (Maurice). Dans quelques jours, avant la fin de la semaine, écrivez-moi pour m’affirmer que tout est bien fini. La faute en est, je crois, à l’abominable hiver dont nous sortons. On n’entend parler que de maladies et d’enterrements ! Mon pauvre larbin est toujours à la maison Dubois et je suis navré quand je vais le voir. Voilà deux mois qu’il reste sur son lit, en proie à des souffrances atroces.

Quant à moi, ça va mieux. J’ai lu énormément. Je me suis surmené et me revoilà à peu près sur pattes. L’amas de noir que j’ai au fond du cœur est un peu plus gros, voilà tout. Mais, dans quelque temps, je l’espère, on ne s’en apercevra pas. Je passe mes jours à la bibliothèque de l’Institut. Celle de l’Arsenal me prête des livres que je lis le soir, et je recommence le lendemain. Au commencement de mai, je m’en retournerai à Croisset. Mais je vous verrai d’ici là. Tout va se remettre avec le soleil.

La belle dame en question[1] m’a fait, à votre endroit, les excuses les plus convenables, m’affirmant qu’ » elle n’avait jamais eu l’intention d’insulter le génie ».

Certainement, je veux bien connaître M. Favre[2] ; puisqu’il est un des vôtres, je l’aimerai.


  1. L’Impératrice.
  2. Médecin de George Sand.