Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1084

Louis Conard (Volume 6p. 96-97).

1084. À GEORGE SAND.
Mardi, 4 heures. [7 décembre 1869.]
Chère Maître,

Votre vieux troubadour est trépigné et d’une façon inouïe. Les gens qui ont lu mon roman craignent de m’en parler, par peur de se compromettre ou par pitié pour moi. Les plus indulgents trouvent que je n’ai fait que des tableaux, et que la composition, le dessin manquent absolument.

Saint-Victor, qui prône les livres d’Arsène Houssaye, ne veut pas faire d’articles sur le mien, le trouvant trop mauvais. Voilà. Théo est absent, et personne, absolument personne, ne prend ma défense.

Autre histoire : hier Raphaël et Michel Lévy ont entendu la lecture de la Féerie. Applaudissements, enthousiasme. J’ai vu le moment où le traité allait être signé séance tenante. Raphaël a si bien compris la pièce, qu’il m’a fait deux ou trois critiques excellentes. Je l’ai trouvé, d’ailleurs, un charmant garçon. Il m’a demandé jusqu’à samedi pour me donner une réponse définitive. Puis, tout à l’heure, lettre (fort polie) dudit Raphaël où il me déclare que la Féerie l’entraînerait à des dépenses trop considérables pour lui.

Enfoncé derechef ! Il faut se tourner d’un autre côté. Rien de neuf à l’Odéon.

Sarcey a republié un second article contre moi[1].

Barbey d’Aurevilly prétend que je salis le ruisseau en m’y lavant (sic). Tout cela ne me démonte nullement.


  1. Encore M. Flaubert (Le Gaulois, 4 décembre 1869).