Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0958

Louis Conard (Volume 5p. 357-358).

958. À MICHELET.
[Paris] mercredi [février ou mars 1868].

Non, mon cher maître, je n’ai pas reçu votre livre ; mais je l’ai lu et je le relis. Quelle Montagne que la vôtre ! Où vous arrêterez-vous ?

Je suis écrasé par cette masse d’idées, ébahi par ces profondeurs.

Jamais, je crois, je n’ai lu quelque chose qui m’ait pénétré plus profondément que les Bains d’Acqui. Vous m’avez remis sous les yeux les Pyrénées et les Alpes. Avec vous, du reste, on est toujours sur les sommets.

Le lourd roman auquel vous vous intéressez (lourd pour moi en attendant qu’il le soit pour les autres) ne sera pas terminé avant une grande année. Je suis en plein, maintenant, dans l’histoire de 48. Ma conviction profonde est que le clergé a énormément agi.

Les dangers du catholicisme démocratique, que vous signalez dans la Préface de votre Révolution, sont tous advenus. Ah ! nous sommes bien seuls !

Mais vous restez, vous !

Je vous serre les mains très fort, en vous priant de me croire, mon cher maître, votre très affectionné.