Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0926
Il faut rayer ce mot-là, chère maître ; je n’étais pas assez plongé dans le travail pour n’avoir pas envie de vous voir. J’ai fait à la littérature assez de sacrifices jusqu’à présent sans y ajouter ce dernier. La raison était que : on a repeint mon logis. Si bien que j’ai passé quinze jours à Rouen dans le logement de ma mère, puis une semaine dans le petit pavillon qui est au bout du jardin. Voilà pourquoi on n’a pas prié son vieux de venir.
Mais qui empêche de nous voir ici à partir du mois de septembre ? Je vais être absent tout le mois d’août. Adressez-moi vos lettres boulevard du Temple, 42.
Et le travail ? Que devient Cadio ?
Je me sens vieux comme une pyramide et fatigué comme un âne. Ma mère ne contribue pas à me rendre gai. Elle s’affaiblit, s’aigrit, s’attriste et m’attriste. C’est pour la distraire un peu que je la mène à l’Exposition.
Nonobstant, je continue mon sillon et j’espère, à la fin de cette année, avoir fini ma seconde partie. Le tout ne sera pas fait avant deux ans ! et puis, adieu pour jamais aux bourgeois ! Rien n’est épuisant comme de creuser la bêtise humaine !
À propos de bêtise, il paraît que le monde officiel est furieux contre le père Sainte-Beuve. L’affliction de Camille Doucet touche au sublime.
Au point de vue de la liberté future, il faut peut-être bénir cette hypocrisie religieuse des gens du monde qui nous révolte tant ! Plus tard la question sera vidée, mieux elle sera vidée. Ils ne peuvent que s’affaiblir et nous, nous fortifier.