Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0861

Louis Conard (Volume 5p. 230-231).

861. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset [août 1866, entre le 22 et le 26].
Mon Bibi,

La stricte politesse exigeait que je vous écrivisse pour vous remercier de votre gentille hospitalité ; mais ce n’est pas cela qui me « fait mettre la plume à la main ». Voici ce qui arrive :

Je reçois à l’instant une lettre de Mme Sand qui m’annonce sa visite à Croisset pour mardi prochain (en revenant de Saint-Valery où elle va voir Dumas) ; elle me dit qu’elle couchera à Rouen si je ne peux lui donner à coucher, qu’elle en repartira le mercredi.

Veux-tu la voir ? et, au lieu d’arriver ici mercredi soir, nous présenter ta ravissante binette dès mardi ? Réponse immédiate, mon loulou, car, ne sachant où loger Mme Sand, on prépare ta chambre à son intention.

Si tu viens coucher ici mardi, je lui donnerai la mienne et j’irai dormir dans celle du second. Voilà la question.

Ta grand’mère a voulu que je t’avertisse de cela, de peur que tu ne sois ensuite fâchée — fâchée, bien entendu, de ne pas avoir vu Mme Sand.

Adieu, chérie. Tire de ma part les favoris de mon neveu. Vous étiez très beaux tous les deux, il y a huit jours, dans votre équipage ; mais en revanche, dimanche matin, vous aviez l’air passablement vaches.

Je bécote tes deux joues.

Ton vieil oncle,
Bourg-Achard, légionnaire.