Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0858

Louis Conard (Volume 5p. 225-226).

858. À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
Caude-Côte, près Dieppe, 16 août [1866].

Eh bien, et vous ? J’ai été tout désappointé de voir à votre place Ponson du Terrail ! Et ma joie est troublée puisque je ne la partage pas avec vous. Mon délire est d’ailleurs médiocre. J’ai la tête forte et je consentirai encore à vous saluer. N’importe ! ça m’embête que mes bichons n’aient pas l’étoile.

Figurez-vous qu’un facteur de Croisset, idiot, a renvoyé votre lettre du 19 juillet, rue de la Chaussée-d’Antin, 21. J’ignore le sens de cette facétie. Ce qu’il y a de sûr, c’est que votre lettre m’est arrivée après avoir beaucoup voyagé, il y a six ou sept jours seulement, jeudi dernier, je crois. Cela vous explique mon long silence.

J’ai été en Angleterre voir des amis. Je suis revenu à Paris. J’ai été à Chartres. J’ai eu la foire, j’ai dîné deux fois chez la Princesse. Je suis ici depuis dimanche, et dimanche prochain je serai revenu à Croisset. Il est temps de se remettre à travailler.

Et vous ? Ou en est le roman ? Celui[1] de la mère Sand, qui m’est dédié, me vaut les plaisanteries les plus aimables. J’ai assisté à la chute douce des Don Juan de village[2]. Je ne comprends pas un mot aux choses de théâtre. Pourquoi tant d’enthousiasme au Marquis de Villemer et tant de froideur aux Don Juan ? Problème !

Puisque Saint-Victor est avec vous, serrez-lui les deux mains de ma part. Quant à vous deux, je vous baise sur les quatre joues, et suis votre vieux.

G. F.

La pièce de Monseigneur sera jouée vers le 24 octobre.

Et « l’Idiot » ? En avez-vous quelque révélation ?


  1. Dernier amour.
  2. Les Don Juan de village, comédie de George et Maurice Sand.