Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0784
Il était temps que ta lettre arrivât, ma chère Caro, car ta bonne maman commençait à perdre la boule. Nous avions beau lui expliquer qu’il fallait du temps à la poste pour apporter de tes nouvelles ; rien n’y faisait, et si nous n’en avions pas eu aujourd’hui, je ne sais comment la journée de demain se serait passée. Je t’ai écrit à Milan lundi dernier.
Tu as l’air de bien t’amuser, mon pauvre loulou. J’aurais bien voulu te voir en traîneau et sur un mulet ! Je m’imagine que tu ne dois pas être très brave et penses « à la sécurité de MM. les voyageurs » ; je me figure ta bonne mine fraîche au milieu des montagnes… mais ce qui m’intéresse plus que ton voyage, c’est ton P.-S., à savoir que tu te plais beaucoup avec ton compagnon et que vous vous entendez très bien. Continuez comme cela une cinquantaine d’années encore et vous aurez accompli votre devoir. […].
Je voudrais bien être avec vous à Venise ! Quel Cachet ! Comme c’est beau, hein ? Profitez de votre liberté, mes chers petits. Nous vous embrassons tous et moi particulièrement, qui suis
Je me suis remis à travailler, mais ça ne va pas du tout ! J’ai peur de n’avoir plus de talent et d’être devenu un pur crétin, un goitreux des Alpes.