Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0769
Tu es bien gentille de me donner des nouvelles de ta bonne maman avec tant de régularité, mon bibi. Continue, je te serai fort obligé.
La lettre de ce soir me rassure un peu, puisque je vois que notre pauvre vieille a pu m’écrire[1]. C’est qu’elle souffre moins. Soigne-la bien et tâche de lui faire prendre courage ; persuade-lui que ça la purge.
Dis-lui de se rassurer quant à ses clefs : toutes resteront enfermées soigneusement.
Nous avons passé toute la journée à travailler, monseigneur et moi ; mais, franchement, je suis dégoûté de la féerie, j’en tombe sur les bottes. Cependant, je doute du succès de moins en moins ; mais rien de ce que j’aime dans la littérature ne s’y trouvera. Il me tarde de faire autre chose et, au lieu de passer une partie de mon hiver à intriguer pour la faire recevoir, j’aimerais mieux être enthousiasmé par un roman et demeurer à Croisset, seul, comme un ours, s’il le fallait. Je finis par avoir l’opinion de tout le monde et trouver que je déchois. Quoi qu’il en soit, j’irai jusqu’au bout : c’est l’affaire de trois belles semaines de travail encore !
Adieu, ma chère Carolo. Je vais me coucher ; je me lève demain dès 7 heures et demie pour aller à Neuilly, chez Gautier.
Je vous embrasse toutes les deux bien tendrement.
Ton vieil oncle.
- ↑ Mme Flaubert souffrait d’un anthrax.