Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0015

Louis Conard (Volume 1p. 18-19).

15. AU MÊME.
Rouen, ce 12 juillet 1835.
Cher Ami,

Je mets la main à la plume (comme dit l’épicier) pour répondre ponctuellement à ta lettre (comme dit encore l’épicier).

Pour les compositions je ne m’y tue pas, et puisque tu me parles du collège je te dirai que j’ai eu une dispute avec Gerbal, mon honorable pion, et que je lui ai dit que s’il continuait à m’ennuyer, j’allais lui foutre une volée et lui ensanglanter les mâchoires, expression littéraire.

Je crois que j’irai t’embrasser aux journées de Juillet, ma prochaine lettre te donnera une réponse définitive.

Tu me parles de Cotin de Laval, c’est un jeune homme qui l’année dernière était en philosophie au collège. Il a fait un roman historique intitulé Marie de Médicis, que Gourgaud[1] m’a vanté. C’est une de nos célébrités littéraires vivantes, de concert avec Z*** et Corneille qui est mort depuis tantôt deux cents ans.

L’Histoire des ducs de Bourgogne par Barante est un chef-d’œuvre d’histoire et de littérature ; le travail que tu fais est louable.

V. Hugo fait un nouveau drame. A. Dumas idem, intitulé Don Juan ; Véron a quitté la direction de l’Opéra, Duponchel lui a succédé. À la Porte-Saint-Martin, la Berline de l’Émigré ; aux Français encore un Don Juan de M. Vanderbuck. Décidément Gustave Drouineau n’est pas mort.

Adieu, réponds-moi. Mille amitiés aux deux familles. Tout à toi.


  1. Professeur de 5e au collège de Rouen.