Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0006

Louis Conard (Volume 1p. 5-6).

6. AU MÊME.
[3 avril 1832 ?]

Victoire, Victoire,

Victoire, Victoire, Victoire, tu viendras un de ces jours, mon ami, le théâtre, les afiches, tout est prêt. Quand tu viendras Amédée, Edmond, Mme Chevalier, maman, 2 domestiques et peut-être des élèves viendront nous voir joué, nous donnerons 4 pièces que tu ne connais pas mais tu les auras bientôt apprises. Les billets de 1er, 2e 3e sont fais il y aura des fauteuils il y a aussi des tois des décorations. La toile est arrangée, peut-être il y aura-t-il 10 à douze personnes. Alors il faut du courage et ne pas avoir peur, il y aura un factionnaire a la porte qui sera le petit Lerond et sa sœur sera figurante. Je ne sais si tu as vu Poursognac', nous le donneront avec une pièce de Berquin une de Scribe et un proverbe dramatique de Carmontelle il est inutile que je te dise leurs titres tu ne les connais je croit pas. si tu savais quand on m’a appris que tu ne venais pas j’ai été d’une colère effroyable. Si par hazar tu venais pas j’irais plutot a patte comme les chiens du roi Louis Fils-Lippe (tiré de la Caricature journal) à Andelys te chercher et je croit que tu en ferais autant, car une amour pour ainsi dire fraternel nous unit. oui moi qui a du sentiment oui je ferais mille lieues s’il le fallait pour aller rejoindre le meilleur de mes amis, car rien est si doux que l’amitié oh douce amitié combien a-t-on vu de fait par ce sentiment, sans la liaison comment viverions-nous. On voit ce sentiment jusque dans les animaux les plus petits, sans l’amitié comment les faibles viveraient-ils comment la femme et les enfants subsisteraient-ils ?

Permets, mon cher ami, ces douces réflexions mais je te jure qu’elle ne sont point apprêtés n’y que j’aie essayé de faire de la rhétorique mais je te parle avec la vérité du vrai ami. Le Choléra Morbus n’est presque pas [à l’Hôtel-]Dieu. Ton bon papa va de même. Viens à Rouen ; adieu.