Correspondance 1812-1876, 6/1875/CMXLVI


Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 363-364).


CMXLVI

À GUSTAVE FLAUBERT, À PARIS


Nohant, 15 novembre 1875.


Te voilà donc à Paris, et tu as quitté le logement de la rue Murillo ? Tu travailles ? bon espoir et bon courage ! le bonhomme se relèvera. Je sais qu’on répète Victorine aux Français ; mais j’ignore si j’irai voir cette reprise. J’ai été si malade tout l’été, et je souffre encore si souvent des entrailles, que je ne sais pas si la force de me déplacer en hiver me reviendra à point. Nous verrons bien. L’espoir de te trouver là-bas me donnera du courage ; ce n’est pas là ce qui me manquera, mais je suis bien détraquée depuis que j’ai passé ma septentaine, et je ne sais encore si je prendrai le dessus. Je ne peux plus faire un pas sans risquer d’atroces douleurs, moi qui aimais tant à me servir de mes pattes ! Je patiente avec ces misères, je travaille d’autant plus et je fais de l’aquarelle à mes heures de récréation.

Aurore me console et me charme. J’aurais bien voulu vivre assez pour la marier. Mais Dieu dispose, et il faut accepter la mort et la vie comme il l’entend.

Enfin, c’est pour te dire que j’irai t’embrasser si la chose n’est pas absolument impossible. Tu me liras ce que tu as commencé. En attendant, donne-moi de tes nouvelles ; car je ne me déplacerai que pour les dernières répétitions. Je connais mon personnel, je sais qu’ils feront tous bien, selon leurs moyens, et que, d’ailleurs, Perrin les surveillera.

Nous te bigeons tous bien tendrement et nous t’aimons.