Correspondance 1812-1876, 5/1869/DCCVIII



DCCVIII

À MADAME EDMOND ADAM, AU GOLFE JOUAN


Nohant, 29 novembre 1869.


Chers amis,

Nohant est content de vous savoir tous en bonne santé. Nohant va bien aussi, sauf les rhumes. L’année est humide et malsaine ; les fanfans, Dieu merci, ne s’en ressentent pas. La ferme est sur un bon pied. La lumière se fait chaque jour, on a bon espoir. Cette première année a coûté de la peine et des avances ; mais tout est couvert déjà par les produits à vendre. Lina a un peu de répit et chante comme un rossignol. Les marionnettes font florès tous les dimanches. Les six jènes gens (dont Planet) viennent toujours le samedi soir pour s’en aller le lundi matin. Ledit Planet n’est pas vaillant, malgré son activité et sa gaieté. J’espérais qu’il prendrait goût au Midi et irait passer ses hivers à Nice ou à Monaco ; mais c’est un vrai Berrichon qui ne peut quitter son trou sans se croire perdu.

Moi, je fais un roman, pour changer ! Je suis sur la Meuse ; le beau cadre que nous avons vu me sert et me plaît. — Je ne sais plus si je dois espérer d’aller vous voir. La pièce de l’Odéon a toujours du succès, celle qui vient après peut en avoir et je serais retardée jusqu’en février.

D’ici là, que de choses peuvent arriver ! On recommence ce qui a été bête et mauvais en 48, de part et d’autre. Des rouges trop pressés et trop blagueurs, des blancs trop stupides, des bleus trop timides et trop pâles. — Nous verrons bien ; l’avenir est à la vérité quand même.

On vous embrasse tous. On vous aime et vous souhaite joie et santé.

G. SAND.