Correspondance 1812-1876, 4/1861/DIII



DIII

À M. CHARLES PONCY, À TOULON


Nohant, 28 décembre 1861.


Un mot seulement aujourd’hui, cher enfant. C’est le moment des masses de lettres à lire et à écrire, pas toutes amusantes et on manque de temps pour les meilleures.

J’ai lu le poème, qui est très bon et très touchant. J’ai fait, sur le chant cinquième, quelques observations que je recopierai au premier jour pour vous les envoyer. Le temps des vers est fini, c’est vrai, et cela n’est plus ni retentissant ni lucratif. Il n’y a plus que Victor Hugo qui se fasse écouter.

Mais, si vous pouvez encore vous faire éditer par souscription, il ne peut nuire à votre réputation d’être lu et goûté par vos compatriotes, et par le petit nombre de gens disséminés partout, qui s’intéressent encore à la poésie.

Pourtant, je vous dirai aussi qu’il ne convient peut-être plus à votre position de demander des souscripteurs. C’est bien quand on est très jeune et très pauvre. Plus tard, c’est moins bien. On peut dire au poète : « Vous avez quelques sous d’économie, payez votre gloire. »

Et je ne vous conseille pas d’entamer ces économies, avenir de votre fille, pour payer la fumée d’un succès bien restreint et bien éphémère, par le temps qui court. Achetez plutôt la barque, tout en chantant la mer. Vos poésies ne perdront pas pour attendre. Ces mauvais jours d’indifférence, vous êtes encore assez jeune pour les voir passer.

Merci pour les souhaits ; mon cceur vous les renvoie et vous bénit.


À SOLANGE PONCY

Bonjour et bon an à ma bonne Désirée, et à ma chère Solangette. Vous êtes bien gentilles de m’écrire ; mais c’est bien laid à la petite maman d’être malade. Heureusement, Solange va la ressusciter, au premier de l’an, par de vives caresses et des souhaits charmants. Je bénis la mère et la fille, moi, la grand’mère, et je les embrasse de toute mon âme.


À ANAÏS

Merci, ma mignonne Anaïs, de votre bon souvenir. Je ne suis pas votre bienfaitrice : je suis une amie qui vous est dévouée et qui vous prie de l’aimer. Voilà tout.

Une bonne poignée de main au cher père et à Baptistin, et bonne santé, bonne chance à vous tous !