Correspondance 1812-1876, 4/1855/CCCXCIV



CCCXCIV

À MADAME ARNOULD PLESSY, À PARIS


Nohant, 20 août 1855.

Chère belle et bonne que vous êtes, je ne vous tiens pas quitte de Nohant, et, puisqu’on me joue décidément à l’Odéon le mois prochain, j’irai vous réclamer pour une plus longue vacance si vous êtes libre. Je viens de finir mon ennuyeux roman, et je vais penser à notre Lys. N’en parlez encore que vaguement ; car, tant que je n’en serai pas bien contente, je ne veux pas en parler. Je vais me reposer trois ou quatre jours, j’en ai besoin, et puis je m’y mettrai tout entière.

Vous dites que vous ferez mes affaires : quel joli homme d’affaires ! Et pourquoi sont-ils tous si laids ?

C’est probablement pour cela que j’aime si peu à m’occuper des miennes. Eh bien, si M. Doucet vous demande si je suis exigeante, vous lui direz ce que vous voudrez. Il m’avait offert jadis tout ce que je voudrais. Moi, je voulais rester au Gymnase en cinq actes pour Flaminio, et faire engager Bocage pour Favilla. C’est pourquoi j’ai dit : « Rien, pas d’argent ; faites seulement ce que je vous demande. »

Maintenant, puisqu’ils ne l’ont pas fait, je demanderai la prime qu’on donne aux autres auteurs. Je ne la connais pas, je m’en rapporterai à ce qu’on me dira par vous.

Mais tout cela n’est pas l’essentiel. L’essentiel est de faire que les bonnes parties de la pièce restent et que celles dont, malgré votre jolie voix et votre lecture si rapidement intelligente, je n’ai pas été satisfaite, s’en aillent franchement.

Envoyez à votre frère tous mes regrets et toutes mes sympathies.

Recevez les hommages de mon fils, et, quant à moi, croyez-moi bien à vous de cœur et d’esprit.

GEORGE SAND.

Molière est tout à vous aussi. Je serais bien contente de vous voir jouer cela. Tâchez de jouer quelque chose quand je serai à Paris.

Cela me sera bien utile pour vous faire parler comme il faut. Ah ! je pense qu’il faut arranger Molière aussi. Ce sera fait…