Correspondance 1812-1876, 3/1851/CCCXXVII


CCCXXVII

À LA MÊME


Nohant, 17 février 1851.


Ma chère mignonne,

Il y a bien longtemps que je veux t’écrire. J’ai été très souffrante de crampes d’estomac et occupée par-dessus la tête. Je suis heureuse de toutes les bonnes nouvelles que tu me donnes de ton petit George d’abord, et puis de tes succès dans le monde musical. Mais pourquoi ne m’as-tu pas déjà écrit le résultat de ton concert à Nancy ?

Il ne faut pas attendre mes réponses pour m’écrire et me tenir au courant de ce qui t’intéresse.

Tu sais bien que je m’y intéresse aussi, moi, et que j’aime à te suivre jour par jour. Si je ne suis pas exacte, ce n’est pas ma faute.

Je suis assez malade, mais non pas dangereusement, et cela n’empêche pas les comédies d’aller leur train et la maison d’être gaie comme de coutume. Nous avons en plus, pour quelques jours, un architecte du gouvernement, qui est venu pour faire réparer l’église de Vic ; car tu sauras que cette église est classée parmi les monuments historiques. Cela t’étonne un peu, n’est-ce pas ?

Eh bien, cette grange, cette masure si nue, si laide, si insignifiante, elle est au nombre des choses rares et précieuses. Notre nouveau curé, en grattant les murs pour les nettoyer, a découvert, sous trois couches de badigeon, dans le chœur et dans le sanctuaire, des fresques romanes du XIe siècle au moins. J’en ai porté des croquis à Paris, je les ai montrés aux gens compétents et l’église a été classée.

Ces peintures sont barbares, comme tu penses, mais très curieuses, et cela intéressera beaucoup ton mari quand il les verra.

Il n’y a que cela de nouveau ici. Borie est à Bruxelles bien installé. Il vous écrit probablement. Les Duvernet vont bien et me parlent toujours de toi. Maurice et Lambert te disent mille amitiés de grand cœur. Nous t’aimons toujours bien, sois-en sûre, et tu es toujours ma fille chérie.

Embrasse bien Bertholdi et mon George pour moi et pour nous tous.