Correspondance 1812-1876, 1/1831/LXXIX


LXXIX

À M. JULES BOUCOIRAN, À NOHANT


Paris, 5 décembre 1831.


Merci, mon cher enfant. Je ne sais pas si je pourrai profiter de cette bonne occasion pour retourner à Nohant. Dieu veuille que mon éditeur me paye d’ici au 8 et que je puisse lui livrer les dernières feuilles de mon manuscrit. Alors je serais à Nohant bientôt. N’en parlez pas encore. Surtout n’en donnez pas la joie à mon pauvre Maurice ; car il n’y a rien de sûr dans mes projets. Ils dépendent d’un animal qui, tous les jours, m’annonce le payement de sa dette, j’attends encore. Je voudrais qu’il me fît au moins une lettre de change pour les cinq cents francs à toucher trois mois après la livraison. Jusqu’ici, je ne tiens rien, et je ne voudrais pourtant pas avoir travaillé trois mois sans un profit raisonnable.

La lettre que j’ai reçue avant-hier de Maurice est fort bien, si vous n’en avez pas corrigé les fautes. Son écriture, quand il veut s’appliquer un peu, promet d’être très lisible et très jolie. Il a dans son esprit d’enfant des idées très originales ; par exemple, j’ai bien ri de sa pie, qui se tient dans le jardin et regarde passer le monde sur la route.

Pauvre enfant ! quand donc sera-t-il assez grand pour ne dépendre que de lui ! Alors je ne serai pas en peine de trouver une consolation et un dédommagement à tous les ennuis de ma vie.

Adieu, mon cher fils ; restez-moi toujours fidèle, vous que j’estime le plus solide et le plus généreux de mes amis.

Je vous embrasse de tout mon cœur.