Correspondance - Juin 1915

Correspondance - Juin 1915
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 27 (p. 708).
CORRESPONDANCE

Nous recevons la lettre suivante :

16 mai 1915. Mon cher Directeur,

Je viens de lire l’article, si pressant et si convaincant, de notre éminent confrère le professeur Charles Richet sur la Dépopulation de la France.

Que je sois d’accord avec lui sur le fond des choses, et à quel point je le suis, je n’ai pas besoin de le dire. Mais il me semble impossible de ne pas relever une phrase, qui contient une inexactitude et qui, bien involontairement, constitue presque une injustice.

M. Charles Richet écrit : « Mais ni le gouvernement, ni les académies, ni les parlemens, ni les journaux n’ont d’angoisse. »

Tout le monde sait que, depuis quelques années au moins, le mal et la menace n’ont pas laissé, en France, le Parlement et le gouvernement tout à fait indifférens. Mais je ne veux parler ici que des Académies, et seulement pour rappeler que l’Académie des Sciences morales et politiques, comme il était de son rôle et de sa fonction, a eu « cette angoisse. » Elle l’a prouvé doublement, dans ces dernières semaines, en adoptant les vœux rédigés par M. Colson en vue de « la tâche de demain, » et, il y a deux ans déjà, en me confiant, sur l’initiative de MM. Alexandre Ribot et Paul Leroy-Beaulieu, le soin de rechercher « les causes économiques, morales et sociales qui, dans les diverses régions de la France, contribuent à la diminution de la natalité. »

Si les circonstances m’ont empêché de pousser ce travail aussi vite que je l’aurais voulu et de lui donner la diffusion qu’il aurait dû avoir, il n’en reste pas moins que l’Académie a, dès à présent, entendu la lecture de mes cinq premiers rapports plus particulièrement consacrés aux départemens de Normandie. Elle vient d’ailleurs de me confirmer ma mission, en me chargeant d’étudier, cette année, la Bretagne, et de tâcher de voir pourquoi, à si peu de distance, les mêmes causes paraissent ne point produire, ici et là, les mêmes effets.

Veuillez agréer, mon cher Directeur, l’expression de mes sentimens affectueusement dévoués.


CHARLES BENOIST.