Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/099

Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 185).


Paris, 13 auguste 1769.


Mon cher et illustre confrère, quelque scrupule que je me fasse de troubler votre solitude, je ne puis me dispenser de recommander à vos bontés M. Mathy qui vous remettra cette lettre ; c’est le fils d’un homme de mérite, que vous connaissez sûrement au moins de réputation, et qui a longtemps travaillé à un très bon ouvrage périodique, intitulé : Journal britannique. Le fils est digne de son père, et digne d’être connu et bien reçu de vous. Il a l’esprit très cultivé, et ce qui vaut encore mieux, très droit et très juste, et surtout une franchise et une philosophie qui vous plairont. Je ne lui compte pas pour un mérite le désir qu’il a de vous connaître, car c’est un mérite trop banal. M. de Schomberg est revenu de chez vous, pénétré de la réception que vous lui avez faite, et enchanté de votre personne. Je ne doute pas que M. Mathy n’en revienne avec les mêmes sentiments.

On ne parle plus, ce me semble, de l’Histoire du parlement, et il me semble que la fureur de vous l’attribuer est calmée ; ainsi je crois que vous devez être tranquille à cet égard. On se plaint de plusieurs inexactitudes qui vraisemblablement sont des fautes d’impression. Par exemple, à la page 182, on dit que Coligni avait été assassiné avant la Saint-Barthélemi, par Montrevel ; c’est Maurevert, comme le disent le président Hénault et beaucoup d’autres. Je ne vous parle point des autres critiques qui, au fond, ne vous intéressent guère, et sont d’ailleurs très peu de chose.

Adieu, mon cher et ancien ami ; je voudrais bien avoir une santé qui me permît d’aller vous embrasser ; je vis pourtant toujours dans cette espérance.

En attendant, je vous embrasse de tout mon cœur, en esprit et en Lucrèce. Vale et me ama.