Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/016

Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 63-64).


Paris, 27 décembre 1759.


Cette lettre vous sera rendue mon cher et illustre confrère, par M. l’abbé de Saint-Non, neveu de M. de Boullongne, qui va en Italie pour y voir les chefs-d’œuvre des arts, y entendre de bonne musique, et y connaître les bouffons de toute espèce que ce pays renferme. Il passe par Genève pour aller à Rome ; et avant d’aller demander la bénédiction du pape, il souhaite recevoir la vôtre. Si feu votre ami Benoît XIV vivait encore, je vous demanderais une lettre de recommandation pour notre voyageur ; mais la philosophie a perdu jusqu’au pape. Je me borne donc à vous prier de procurer à M. l’abbé de Saint-Non tous les agréments qui dépendront de vous, parmi les hérétiques avec lesquels vous vivez. Il vous rapportera des indulgences, et vous assurera en attendant de toute la reconnaissance que j’aurai de ce que vous voudrez bien faire pour lui. Si vous le présentez à quelqu’un de nos sociniens honteux, gardez-vous bien de prononcer mon nom ; il est trop mal sur leurs papiers. Je crois au reste que notre voyageur est peu curieux de sociniens comme eux ; il leur préfère un catholique comme vous, et il va chercher à Genève ce qu’il aurait dû trouver à Paris. Adieu, mon cher philosophe ; ne m’oubliez pas auprès de madame Denis.