Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/006

Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 51).


Paris, 21 juillet 1757.


Jai reçu, il y a déjà quelque temps, mon cher et très illustre confrère, les articles Magie, Magicien et Mages de votre prêtre de Lausanne ; j’ai en même temps envoyé votre lettre à Briasson, qui m’a fait dire que vos commissions étaient déjà faites avant qu’il la reçût.

Les articles que vous nous envoyez de ce prédicateur hétérodoxe sont peut-être une des plus grandes preuves des progrès de la philosophie dans ce siècle. Laissez-la faire, et dans vingt ans la Sorbonne, toute Sorbonne qu’elle est, enchérira sur Lausanne. Nous recevrons, avec reconnaissance, tout ce qui nous viendra de la même main. Nous demandons seulement permission à votre hérétique de faire patte de velours dans les endroits où il aura un peu trop montré la griffe : c’est le cas de reculer pour mieux sauter. À propos, vous faites injure au chevalier de Jaucourt de mettre sur son compte l’article Enfer ; il est de notre théologien, docteur et professeur de Navarre, qui est mort depuis à la peine, et qui sait actuellement si l’enfer de la nouvelle loi est plus réel que celui de l’ancienne. Au reste, cet article Enfer n’est pas sans mérite ; l’auteur y a eu le courage de dire qu’on ne pouvait pas prouver l’éternité des peines par la raison : cela est fort pour un sorboniste.

Sans doute nous avons de mauvais articles de théologie et de métaphysique ; mais, avec des censeurs théologiens et un privilège, je vous défie de les faire meilleurs. Il y a d’autres articles moins au jour, où tout est réparé. Le temps fera distinguer ce que nous avons pensé d’avec ce que nous avons dit. Vous serez, je crois, content de notre septième volume, qui paraîtra dans deux mois au plus tard.

Les affaires de Bohême ont bien changé de face depuis un mois. Voilà, je crois, ma pension à tous les diables ; mais j’en suis d’avance tout consolé. Si la guerre dure, je ne réponds pas que celles du trésor royal soient mieux payées.