Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 8 Notice

Œuvres
Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachette (Œuvres de P. Corneillep. i-xix).
NOTICE.

« Après Pertharite, dit Fontenelle[1], M. Corneille, rebuté du théâtre, entreprit la traduction en vers de l’Imitation de Jésus-Christ. Il y fut porté par des pères jésuites de ses amis, par des sentiments de piété qu’il eut toute sa vie, et sans doute aussi par l’activité de son génie, qui ne pouvoit demeurer oisif. Cet ouvrage eut un succès prodigieux, et le dédommagea en toutes manières d’avoir quitté le théâtre. »

Il y a, au commencement de ce passage, une inexactitude assez grave. Pertharite, suivant la plupart des historiens du théâtre, est de 1653 ; nous avons cru pouvoir, d’après le témoignage formel de Tallemant des Réaux, en placer la première représentation au carnaval de 1652[2] ; mais la reculer au delà de cette époque est impossible ; elle reste donc encore postérieure à la publication des vingt premiers chapitres de l’Imitation de Jésus-Christ, dont l’Achevé d’imprimer est du 15 novembre 1651 ; seulement il est probable que le bon accueil fait au commencement de ce nouvel ouvrage et le peu de succès de Pertharite, représenté bientôt après, confirmèrent Corneille dans sa pieuse détermination.

Quant aux motifs qui lui firent entreprendre une si longue tâche, ils ne sauraient être un instant douteux ; et l’on voit que Fontenelle, en les exposant, n’a craint aucune contradiction, et n’a pas même jugé utile de combattre l’étrange récit que la Monnoye a fait le premier à ce sujet, d’après un manuscrit de Charpentier. Suivant notre habitude, nous allons mettre les pièces du procès sous les yeux du lecteur ; mais nous ne saurions douter de sa décision.

« Corneille, dit la Monnoye dans une note de son édition des Jugements des savants, de Baillet[3], ne se porta pas de lui-même à entreprendre la paraphrase en vers françois des trois livres de l’Imitation. Voici l’occasion qui l’y engagea, telle que je l’ai lue dans un manuscrit qui a pour titre Carpenteriana, dont on m’a dit que les articles avoient été dressés par feu M. Charpentier, mort doyen de l’Académie françoise. »

Ensuite vient l’analyse du récit de Charpentier, à laquelle nous préférons substituer le texte même du Carpenteriana ou Carpentariana, publié par Boscheron deux ans plus tard[4] : « M. Corneille l’aîné est auteur de la pièce intitulée : l’Occasion perdue et recouvrée. Cette pièce étant parvenue jusqu’à M. le chancelier Seguier, il envoya chercher M. Corneille, et lui dit que cette pièce ayant porté scandale dans le public et lui ayant acquis la réputation d’un homme débauché, il falloit qu’il lui fît connoître que cela n’étoit pas, en venant à confesse avec lui ; il l’avertit du jour. M. Corneille ne pouvant refuser cette satisfaction au chancelier, il fut à confesse, avec lui, au P. Paulin, petit père de Nazareth, en faveur duquel M. Seguier s’est rendu fondateur du couvent de Nazareth. M. Corneille s’étant confessé au révérend père d’avoir fait des vers lubriques, il lui ordonna, par forme de pénitence, de traduire le premier livre de l’Imitation de J.-C., ce qu’il fit. Ce premier livre fut trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit été réimprimé jusqu’à trente-deux fois. La Reine, après l’avoir lu, pria M. Corneille de lui traduire le second ; et nous devons à une grosse maladie dont il fut attaqué, la traduction du troisième livre, qu’il fit après s’en être heureusement tiré. »

Remarquons, pour ne rien omettre, que la Monnoye, dans l’analyse qu’il fait de ce morceau, dit en citant le manuscrit de Charpentier : « Il y est rapporté que Corneille ayant, dans sa première jeunesse, fait une pièce un peu licencieuse intitulée l’Occasion perdue recouvrée, l’avoit toujours tenue fort secrète ; mais qu’en 1650, plus ou moins, diverses copies en ayant couru, M. le chancelier Seguier, protecteur alors de l’Académie, surpris d’apprendre que ces stances peu édifiantes, dont la première commence par :

Un jour le malheureux Lysandre,


étoient de Corneille, le manda, et après lui avoir fait une douce réprimande, lui dit qu’il le vouloit mener à confesse… » Mais, suivant toute apparence, ces circonstances accessoires ne se trouvaient point dans le manuscrit original ; il aura paru naturel à la Monnoye, en attribuant une telle pièce de vers à Corneille, de la donner comme un ouvrage de sa première jeunesse ; du moment où il voulait indiquer l’époque où ce morceau avait commencé à se répandre, il ne pouvait le transporter au delà de 1650, sans quoi la pénitence eût été antérieure à la divulgation du péché. Enfin le chancelier Seguier, réprimandant le grand Corneille, devait évidemment le faire avec douceur. On voit que le récit de la Monnoye, comme au reste il en convient lui-même, n’a d’autre autorité en sa faveur que le manuscrit de Charpentier, et que les circonstances nouvelles qu’on y remarque ne proviennent que de légères variantes de rédaction, et d’inductions toutes simples, qui ne supposent en aucune manière l’existence de quelque autre témoignage.

Cette anecdote invraisemblable fut niée dans le compte rendu du Carpentariana inséré dans les Mémoires de Trévoux, au mois de novembre 1724. « Si M. Charpentier, y est-il dit, eût bien voulu se servir de sa critique et de son discernement, auroit-il jamais attribué à M. Corneille l’Occasion perdue et recouvrée, pièce que l’on sait avoir été composée par un poëte de Caen, dont le génie, le style et les mœurs étoient infiniment différents de ceux du grand Corneille[5]. » Deux mois après, le même recueil fit paraître une réfutation en forme des allégations de Charpentier[6]. « L’Occasion perdue recouverte, dit l’auteur de cet article anonyme, ne fut jamais du grand Corneille : elle est d’un M. de Cantenac, poëte de cour, dont les œuvres, qui font un petit in-12, furent imprimées en 1661, et encore en 1665, chez Théodore Girard, marchand libraire à la grand’salle du Palais ; elles sont divisées en trois parties : la première contient les Poésies nouvelles et galantes ; la seconde, les Poésies morales et chrétiennes ; la troisième, les Lettres choisies, galantes, du sieur de Cantenac. Cela faisoit un recueil assez bizarre. C’est au bout des Poésies nouvelles et galantes que se trouvoit cette scandaleuse pièce. Dès qu’elle parut, M. le premier président de Lamoignon, bien averti, envoya quérir Théodore Girard, et lui ordonna d’ôter cette pièce de tous les exemplaires qui lui restoient, et par bonheur il lui en restoit la plus grande partie. Il fut obéi. Théodore Girard aima mieux mécontenter l’auteur et les acheteurs que de s’exposer au juste ressentiment d’un premier président. Il échappa pourtant quelques exemplaires de cette pièce, qui ne parurent qu’après la mort de ce grand magistrat, et c’est un de ces exemplaires, relié au bout de la seconde édition, que Théodore Girard me vendit comme une chose rare et précieuse. Dans cette seconde édition, la pièce fut entièrement supprimée, sans qu’il restât même aucun vestige de la suppression ou du retranchement. Au bas de la dernière page de l’Occasion recouverte et perdue on voit imprimé : Fin des Poésies nouvelles et galantes du sieur de Cantenac. Il est vrai que le nom n’est pas tout au long, et qu’il n’y a que : Fin des Poës. nouv. et gal. du Sr de C. ; mais Théodore Girard, qui étoit de mes amis et nullement menteur, m’a plusieurs fois assuré que ce C. signifioit le sieur de Cantenac, et il n’est pas possible d’en douter. Il connoissoit bien l’auteur. Il dit, dans un Avertissement au lecteur, que l’auteur est son ami. L’auteur lui avoit cédé son privilège, et ainsi il est clair qu’il le connoissoit, et il n’avoit nul sujet de nommer le sieur de Cantenac pour un autre. Mais si, outre ce témoignage donné de vive voix par Théodore Girard, on veut une preuve par écrit, on trouvera dans le Livre des libraires le privilège pour les Œuvres du sieur de Cantenac, enregistré le 30 septembre 1661 par Debray, syndic, et le nom du sieur de Cantenac s’y trouvera tout au long. »

En 1754, M. Michaud, avocat au parlement de Dijon, a, dans ses Mélanges historiques et philologiques[7], reproduit les preuves déjà données en faveur de Corneille dans les Mémoires de Trévoux, et en a ajouté quelques-unes qui ont une grande valeur. Il s’est attaché à faire connaître le caractère et le genre de talent de Cantenac ; il a établi par des citations bien choisies que ce poëte ne manquait ni d’imagination, ni d’élégance, que son recueil était rempli de passages fort libres, et qu’enfin, dans presque toutes ses pièces, il « prend le nom de Lisandre, qui est précisément celui du héros des stances[8]. »

Louis Racine, qui avait appris de son père des particularités fort curieuses touchant Corneille, dit en parlant de son Imitation :

Couronné par les mains d’Auguste et d’Émilie,
À côté d’a Kempis Corneille s’humilie[9].

Ces vers, qui peuvent s’appliquer aussi bien, nous en convenons, à une pénitence imposée qu’à une résolution libre et spontanée, sont accompagnés d’une note qui semble confirmer ce que nous avons dit jusqu’ici[10]. Avouons toutefois que cette humilité que Louis Racine loue dans le traducteur, n’est pas aussi complète, aussi absolue qu’il semble lui-même le croire ; elle parle un langage singulièrement fier, et qui, au moment où Corneille fait profession de renoncer à toute gloire littéraire, nous montre combien son cœur en a toujours été vivement touché. Dans la dédicace de l’Imitation adressée par lui au pape Alexandre VII, il dit à ce pontife qu’il avait été très-profondément affecté des pensées sur la mort répandues dans ses poésies latines, puis il ajoute : « Elle me plongèrent dans une réflexion sérieuse qu’il falloit comparoître devant Dieu, et lui rendre compte du talent dont il m’avoit favorisé. Je considérai ensuite que ce n’étoit pas assez de l’avoir si heureusement réduit à purger notre théâtre des ordures que les premiers siècles y avoient comme incorporées, et des licences que les derniers y avoient souffertes ; qu’il ne me devoit pas suffire d’y avoir fait régner en leur place les vertus morales et politiques, et quelques-unes même des chrétiennes ; qu’il falloit porter ma reconnoissance plus loin, et appliquer toute l’ardeur du génie à quelque nouvel essai de ses forces, qui n’eût point d’autre but que le service de ce grand maître et l’utilité du prochain. C’est ce qui m’a fait choisir la traduction de cette sainte morale, qui par la simplicité de son style, ferme la porte aux plus beaux ornements de la poésie, et bien loin d’augmenter ma réputation, semble sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce que j’en ai pu acquérir en ce genre d’écrire[11]. »

Qui pourrait ne pas ajouter foi à cette déclaration si noble et si ferme ; on le voit, loin de se repentir de quelque écart de sa muse, Corneille s’applaudit de lui avoir toujours fait parler un chaste langage ; n’est-on pas transporté ici dans un courant d’idées hautes et pures qui exclut toutes ces misérables histoires de poésies libertines et de pénitence tardive ? Son péché, Corneille le connaît : c’est de s’être trop complu au bruit enivrant des applaudissements, de s’être trop glorifié de son génie, et ces applaudissements, il y renonce, ce génie, c’est à Dieu seul qu’il le consacre. Lorsqu’un tel poëte nous parle avec une si héroïque simplicité, nul ne doit s’aviser, ce me semble, de douter de ce qu’il avance.

Toutefois on l’a fait encore tout récemment. En 1862, deux volumes de même format, imprimés avec les mêmes caractères, parurent presque en même temps chez le libraire Jules Gay. L’un est une jolie édition de l’Imitation de Jésus-Christ, traduite et paraphrasée en vers français par P. Corneille, précédée d’un avant-propos non signé, dans lequel on démontre sans peine que Corneille n’est point l’auteur du poëme licencieux qui lui a été attribué par Charpentier ; l’autre est intitulé : « L’occasion perdue recouverte, par Pierre Corneille. Nouvelle édition, accompagnée de notes et de commentaires, avec les sources et les imitations qui ont été faites de ce poème célèbre, non recueilli dans les œuvres de l’auteur. » Hâtons-nous de dire que le contenu du volume est beaucoup moins affirmatif : on n’y attribue pas si positivement à Corneille la paternité de cette pièce de vers, qui ne méritait en aucune manière tout le bruit qu’elle a causé. Après une reproduction intégrale des différents documents que nous avons analysés et extraits jusqu’ici, on trouve à la page 45 une « Lettre à M. J. G. dans laquelle on essaye de prouver que l’Occasion perdue recouverte est de Pierre Corneille. » L’auteur de cette lettre, signée P. L., se contente de transcrire le récit de Carpentariana, d’exagérer singulièrement le mérite de l’Occasion perdue recouverte, et de déprécier outre mesure le pauvre Cantenac, afin de prouver qu’il ne peut être l’auteur de « ce poëme vraiment remarquable, sous le rapport du style, de la forme poétique. »

Si j’osais en reproduire ici des passages de quelque étendue, je suis bien certain que le lecteur ne confirmerait point ces éloges ; mais je ne puis me le permettre : je suis contraint d’opposer tout simplement une assertion à une autre, et de déclarer qu’à mon avis l’auteur de l’Occasion perdue recouverte n’est doué que d’une verve libertine fort ordinaire et d’un talent poétique assez médiocre.

Essayons d’ailleurs de porter le débat sur un terrain un peu plus ferme et d’aborder un genre de preuves qui dépende moins des appréciations individuelles. Le poëme en question est rempli de négligences et de fautes de langue qu’un grand écrivain n’aurait pu commettre. Bien que la nature du sujet m’impose une grande réserve, je hasarderai deux citations. Croit-on que Corneille aurait écrit :

Il ose élever son audace
Sur un lieu plus saint et plus bas[12] ?


Ce n’est pas là le style de notre poëte. Sa phrase est quelquefois embarrassée, son langage obscur, mais on ne pourrait trouver dans tous ses ouvrages un seul exemple d’une si grande impropriété dans les termes, si c’est là, comme il semble, une négligence ; ou d’une opposition aussi puérile, si par hasard l’auteur a cru trouver un contraste piquant.

L’autre passage, du reste, est plus décisif encore ; la strophe xxxvi commence ainsi dans l’édition considérée comme la plus ancienne :

Mais ces hommes sont infidèles ;
Leur plus beau feu s’éteint en peu,
Et de tout l’amour qu’ils ont eu
Ils n’en réservent que les ailes.


Je ne veux point parler du fond des choses et des pensées, qui certes répondent assez mal aux éloges qu’on a prodigués à cette pièce ; je veux seulement faire remarquer que dans ces vers peu rime avec eu, qui se prononçait alors comme aujourd’hui. Pour que la rime soit légitime, il faut nécessairement prononcer en pu. Or, si à cette époque eu se prononçait parfois u à Paris dans certains mots, comme par exemple dans la première syllabe d’heureux, il est certain néanmoins qu’on n’a jamais dit un pu pour un peu, et ce n’est pas à Corneille qu’un tel gasconisme eût échappé.

À la vérité, le passage des Mémoires de Trévoux, que nous avons rapporté plus haut, fait de Cantenac « un poëte de Caen[13], » et à ce titre il n’aurait pas dû plus que Corneille tomber dans des fautes de ce genre ; mais il y a, outre son nom, de sérieux motifs pour croire à son origine méridionale : s’il ne nous fait pas connaître le lieu de sa naissance dans le portrait que, suivant la coutume du temps, il a tracé de lui-même, il nous dit du moins : « J’écris fort intelligiblement, et parle assez bien, pour être d’un pays où l’on parle toujours mal[14] », et il ne se serait guère exprimé ainsi en parlant de la Normandie. Enfin ses Poésies nous montrent qu’il avait habité Bordeaux[15], et c’est dans cette ville qu’il exerça les fonctions de son ministère lorsqu’il fut entré dans les ordres. Ce fait est constaté par le volume intitulé : Satyres nouvelles de Monsieur Benech de Cantenac, chanoine de l’Église métropolitaine et primatiale de Bordeaux… À Amsterdam, chez la veuve Chayer, dans le Sleestraat (sans date). Quant à l’identité du personnage, elle ne saurait être douteuse ; car l’avis intitulé Le libraire au lecteur commence ainsi : « L’accueil favorable que le public a fait autrefois aux diverses poésies de M. de Cantenac, donne lieu de croire que ses satires ne seront pas moins bien reçues. »

N’est-il pas plus naturel, d’après tout ceci, d’attribuer un gasconisme à Cantenac qu’à Corneille ? Ce gasconisme, il est vrai, a disparu de l’édition de 1662 ; mais qu’en conclure, si ce n’est que Cantenac, sur l’observation de quelque ami obligeant, a changé une expression qui sentait trop le terroir et paraissait choquante aux Parisiens ?

En voilà assez et trop peut-être sur ce poëme[16], dont il est vraiment regrettable d’avoir à parler avant d’en venir à la belle traduction que Corneille a faite de l’Imitation de Jésus-Christ. Ne nous occupons plus maintenant que de l’histoire de la composition de ce dernier ouvrage et de la publication successive de ses diverses parties.

Nous rencontrons d’abord : L’Imitation de Jésus-Christ. Traduite en vers françois Par P. Corneille. — À Rouen, chez Laurens Maury, prés le Palais. M.DC.LI. Avec privilege du Roy. Et se vendent à Paris, chez Charles de Sercy, au Palais, dans la salle Dauphine, À la Bonne-Foy couronnée. On lit au bas du privilége de ce volume de format in-12, qui se compose de 5 feuillets préliminaires et de 56 feuillets chiffrés : « Achevé d’imprimer pour la première fois le 15. de novembre 1651. » Il comprend seulement les vingt premiers chapitres du premier livre, que, suivant son expression, Corneille donnait au public « pour coup d’essai, et pour arrhes du reste[17]. »

Au moment où Corneille entreprenait cette traduction, les religieux bénédictins et les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève se disputaient avec une extrême vivacité à propos de l’auteur de l’Imitation, et, suivant la piquante expression de Corneille, les deux ordres le voulaient « chacun revêtir de leur habit[18]. » Les chanoines de Sainte-Geneviève tenaient pour Thomas à Kempis ; les bénédictins, pour Jean Gersen, abbé prétendu de Verceil, qui, selon eux, avait écrit de 1220 à 1240, mais à l’égard duquel ils ne produisaient que des documents si peu nombreux et si incertains, qu’on a pu révoquer en doute jusqu’à son existence. Corneille apporte dans ses avis Au lecteur le soin le plus scrupuleux et le plus habile à ne point se prononcer sur cette question, qu’il aborde avec un peu plus de confiance dans des lettres adressées au P. Boulard, génovéfain[19]. On voit d’ailleurs déjà dans l’avis Au lecteur des vingt premiers chapitres de sa traduction qu’il n’est pas favorable à Gersen, car, à la fin de cet avis, lorsqu’il parle de ce que la lecture de ce livre doit faire penser de son auteur, il s’exprime de la sorte : « J’y trouve certitude qu’il étoit prêtre ; j’y trouve grande apparence qu’il étoit moine ; mais j’y trouve aussi quelque répugnance à le croire Italien. Les mots grossiers dont il se sert assez souvent sentent bien autant le latin de nos vieilles pancartes que la corruption de celui de delà les monts ; et si je voyois encore quelques autres conjectures qui le pussent faire passer pour François, j’y donnerois volontiers les mains en faveur du pays[20]. » Dans les éditions suivantes, cette préoccupation patriotique de Corneille devient plus marquée et plus précise ; et bien qu’après l’arrêt du 12 février 1652, il dise avec un respect pour la chose jugée qui ne semble pas complètement exempt de quelque ironie : « Messieurs des requêtes du parlement de Paris ont prononcé en faveur de Thomas a Kempis ; et nous pouvons nous en tenir à leur jugement, jusqu’il ce que l’autre partie en ait fait donner un contraire[21], » il ajoute après avoir exposé, comme dans les éditions précédentes, lesmotifs qu’il a de douter que l’auteur soit Italien : « Non-seulement sa diction, mais sa phrase en quelques endroits est si françoise, qu’il semble avoir pris plaisir à suivre mot à mot notre commune façon de parler. C’est sans doute sur quoi se sont fondés ceux qui, du commencement que ce livre a paru, incertains qu’ils étoient de l’auteur, l’ont attribué à saint Bernard, et puis à Jean Gerson, qui étoient tous deux François ; et je voudrois qu’il se rencontrât assez d’autres conjectures pour former un troisième parti en faveur de ce dernier, et le remettre en possession d’une gloire dont il a joui assez longtemps. L’amour du pays m’y feroit volontiers donner les mains[22]. » Corneille, on le voit, au milieu des ardentes compétitions de deux ordres rivaux, dont il savait ménager les susceptibilités, établit assez nettement son opinion et ses préférences et incline pour le parti, alors déserté, que la critique moderne nous semble avoir enfin fait triompher, ou peu s’en faut.

Le 30 mars 1652, quelques jours avant le combat de Bleneau, Corneille écrit au P. Boulard : « Je vous dirai que je travaille à la continuation de ma version, et que sitôt que nous pourrons avoir quelque calme, j’en donnerai une seconde partie au public, avec la première fort corrigée en beaucoup d’endroits. » Dans la même lettre, notre poëte prie le savant religieux de lui adresser ses observations sur ce qui a déjà paru, et aussi de lui prêter son aide pour la réalisation d’un projet dont il paraît fort préoccupé : « Je me suis résolu, dit-il, de mettre des tailles-douces au devant de chaque chapitre, et en ai déjà fait graver onze, que je vous envoie, afin que vous puissiez connoître mieux l’ordre du dessein, qui est de choisir un exemple dans la Vie des saints ou dans la Bible, et l’appliquer sur une sentence tirée du chapitre où doit être mise l’image. On m’en grave encore deux ou trois ; mais comme je ne suis pas fort savant en ces histoires, je mendie des sujets chez tous les religieux de ma connoissance. Entre autres, j’ai besoin que vous m’en donniez de vos saints, parce que dans celles que je vous envoie, vous en trouverez trois de l’habit de Saint-Benoît, et on pourroit prendre cela pour une déclaration tacite d’être du parti des bénédictins dans votre querelle. Vous m’obligerez donc fort de m’en donner quelques-uns de votre habit, et s’il se peut même de Thomas à Kempis, pour appliquer aux chapitres qui me manquent encore de cette première partie ou aux cinq derniers du premier livre, et aux douze du second qui composeront la seconde partie. Je n’ai point encore d’exemples, au reste, pour le sixième chapitre De inordinatis affectionibus, ni pour les x, xi, xii, xiv et xix. Le reste des vingt premiers est rempli. » Corneille presse vivement son correspondant de remplir ces lacunes : « Comme je ferois, dit-il, ajouter déjà ces images à la première partie, si j’avois ma vingtaine fournie, je cherche de tous côtés à trouver de quoi l’achever. » Dans la lettre suivante, qui est du 12 avril. Corneille remercie le P. Boulard des sujets qu’il lui a envoyés : « Je crois, dit-il, que je me servirai presque de tous, à la réserve de ceux qui sont pour les chapitres pour qui j’en ai déjà fait graver. » Dans la lettre du 23 avril suivant. Corneille nous apprend qu’il vient de terminer son premier livre : « Je ne suis point encore pressé d’images pour le second livre, dit-il, ne faisant que d’achever la traduction de ce qui restoit du premier. » Le second livre avança encore moins vite que le précédent : il paraissait fort rebutant à notre poëte. L’Achevé d’imprimer de la seconde partie qui contient les cinq derniers chapitres du livre premier et les six premiers chapitres du second, n’est que du 31 octobre 1652[23]. « Je donne cette seconde partie, dit Corneille dans l’avis Au lecteur à l’impatience de ceux qui ont fait quelque état de la première, et ce n’est pas sans un peu de confusion que je leur donne si peu de chose à la fois[24]. » Il énumère ensuite avec une certaine amertume les difficultés qu’il rencontre, et y insiste de nouveau en 1653, dans un avis Au lecteur particulier aux six derniers chapitres du second livre[25]. Plus tard parut, également en 1 653, l’édition qui a pour titre : L’Imitation de Jésus-Christ. Traduite en vers françois par P. C. enrichie de figures de taille-douce sur chaque chapitre. — À Rouen, De l’Imprimerie de L. Maurry, M.DC.LIII, 1 vol. petit in-12, composé de 4 feuillets préliminaires et de 239 pages. » On lit au bas du privilége : « Achevé d’imprimer pour la première fois le 30 de juin 1653. » Cette édition ne contient encore que les deux premiers livres ; toutefois Corneille y met déjà à exécution le projet qu’il avait formé de joindre à chacun des chapitres de l’ouvrage une taille-douce représentant un sujet religieux qui s’y rapportât. Les lecteurs des éditions de Corneille antérieures à la nôtre auraient été portés à croire que jamais ce dessein n’avait eu de suite, car il n’en était question que dans les lettres dont nous avons donné des extraits unpeu plus haut. Voyant la sollicitude avec laquelle Corneille s’était occupé de cette partie de son travail, et la part très-personnelle qu’il y avait prise, nous avons reproduit en note, en tête de chaque chapitre, la légende de la taille-douce, et nous avons jouit à notre recueil de préfaces un avis Au lecteur[26] qui jusqu’ici avait échappé à tous les éditeurs, ou que peut-être ils avaient omis à dessein, parce qu’il est entièrement relatif à ces tailles-douces dont ils ne donnaient pas la liste. Corneille attachait à ces gravures, tellement négligées de ses éditeurs, une si grande importance, qu’aussitôt que la traduction des deux premiers livres de l’Imitation fut achevée, il sollicita un nouveau privilége destiné principalement à lui assurer la propriété des tailles-douces[27], et, comme on le pense bien, il ne manqua pas, en publiant pour la première fois son troisième livre, d’y joindre aussitôt les planches qui s’y rapportent. Le titre de cette partie de sa traduction est ainsi conçu : « L’Imitation de Iesvs-Christ. Traduite en vers François par P. C. Enrichie de figures de taille-douce sur chaque chapitre. Livre troisième. — Á Paris, chez Robert Ballard, M.DC.L.III, in-12. »

Depuis le moment où Corneille commença à publier son Imitation de Jésus-Christ, jusqu’à celui où elle fut complète, il parut deux autres traductions en vers du même ouvrage. Dans l’une, composée par Antoine Tixier, curé de Varsalieu, et publiée à Lyon, chez P. Compagnon, en 1653, in-12, il n’est nullement question de Pierre Corneille, qui, de son côté, semble n’avoir pas eu connaissance de cette version ; mais l’autre, publiée par Jean Desmarets en 1654, est précédée d’un avertissement qui commence ainsi : « Bien qu’il soit non-seulement permis, mais louable, de travailler à l’envi pour imiter ce bel ouvrage de l’Imitation de JÉSUS-CHRIST, puisque l’on doit bien à l’envi imiter JÉSUS-CHRIST même, je n’eusse jamais eu la pensée de faire cette traduction en vers, sachant qu’elle avoit été entreprise et déjà fort avancée par un homme de rare mérite et de grande réputation. Mais il a plu à Dieu de m’y engager insensiblement par sa bonté infinie, pour me faire goûter la merveilleuse doctrine de ce livre[28]… » Corneille répondit d’une manière fine et détournée à cette préface, lorsqu’il déclara en 1656 qu’il ne traduirait pas le Combat spirituel,

parce qu’il avait été prévenu par Desmarets, et qu’on ne pouvait s’engager dans un travail de ce genre sans faire à celui qui l’avait entrepris le premier « un secret reproche de n’y avoir pas bien réussi[29]. »

Ce fut en cette année 1656 que parut, en un volume in-4o et en deux volumes in-12, à Paris, chez Robert Ballard, la première édition des quatre livres réunis. L’édition in-12 renferme la série complète des tailles-douces pour chacun des chapitres, ce qui n’en fait pas moins de cent quatorze[30] ; l’édition in-4o n’en contient que quatre, une par livre[31], et en outre un frontispice gravé, portant les armes d’Alexandre VII, à qui l’ouvrage, enfin complet, est dédié[32]. À ce moment, Corneille le présenta aux protecteurs et aux amis qu’il comptait dans les ordres religieux. Nous connaissons deux exemplaires de cette édition qui portent au verso du frontispice gravé des envois autographes de l’auteur ; en voici la transcription : « Pour le R. P. D. Laurens Ballard, chartreux, son très humble serviteur Corneille[33]. » — « Pour le R. P. Don Augustin Vincent, chartreux, son très humble serviteur et ancien amy Corneille[34]. » Le bibliophile Jacob en signalait un troisième, en ces termes, dans un des derniers numéros du Bulletin du bouquiniste[35]. « Je ne me pardonnerai jamais, hélas ! d’avoir détaché d’un exemplaire in-4o de l’Imitation, relié en maroquin rouge, le feuillet de garde offrant une dédicace signée, lequel feuillet fut vendu vingt et quelques francs à la vente des autographes de M. de Soleinne. C’est un crime dont je m’accuse et que les bibliophiles n’absoudront pas[36]. »

Bien qu’en retouchant son œuvre, notre poëte se soit sans cesse préoccupé de se tenir de plus en plus près du texte latin, il se reprochait toujours davantage d’en être si éloigné. Ce regret l’a décidé à donner à l’édition de 1656 le titre suivant : « L’Imitation de Iésvs-Christ, traduite et paraphrasée en vers françois par P. Corneille, » de telle sorte que, par un singulier scrupule, ce mot paraphrasée paraît précisément pour la première fois au moment où une exactitude plus attentive semblait le rendre moins nécessaire.

Le succès de l’Imitation fut immense ; Fontenelle et Charpentier nous l’ont déjà appris[37] ; Gabriel Gueret n’est pas moins explicite à cet égard, et, à l’en croire, son témoignage, comme celui de Charpentier, n’est que la reproduction fidèle des paroles mêmes de Corneille : « Il a cru, dit-il[38], que la muse chrétienne siéroit mieux à son âge et qu’elle ne lui seroit pas infructueuse. Aussi ne s’est-il pas trompé, car je lui ai ouï dire que son Imitation lui avoit plus valu que la meilleure de ses comédies, et qu’il avoit reconnu, par le gain considérable qu’il y a fait, que Dieu n’est jamais ingrat envers ceux qui travaillent pour lui. »

Pendant quatorze années encore, Corneille ne cessa de retoucher cette traduction si bien accueillie ; elle acquit enfin sa forme définitive dans l’édition de 1670, que nous avons choisie pour base de notre texte.

Grâce à l’aide des persévérants lecteurs qui m’avaient déjà si obligeamment secondé dans l’étude du théâtre de Corneille[39], j’ai pu indiquer la source des variantes avec précision, et augmenter beaucoup le recueil déjà fort abondant qu’on en avait fait. La collation des préfaces, qui jusqu’ici n’avait pas même été essayée, était un travail épineux et difficile, qu’on ne pouvait songer à accomplir seul et auquel on ne pouvait admettre un grand nombre d’auxiliaires. Par bonheur j’ai trouvé en M. Adolphe Regnier fils, pour cette partie délicate de ma tâche, un collaborateur aussi exercé qu’intelligent. Les longues comparaisons de textes auxquelles nous nous sommes livrés, nous ont fait découvrir deux avis Au lecteur qu’on n’avait pas réimprimés jusqu’ici[40], et de nombreuses variantes qui modifient notablement les préfaces et permettent de suivre Corneille pas à pas dans les divers remaniements de ses avertissements préliminaires.

Les bibliothécaires et les amateurs qui nous avaient déjà fourni de si utiles documents[41], nous ont encore continué leur bienveillance. De plus, la nature toute particulière du sujet que nous abordons dans ce volume nous a conduit à consulter une collection spéciale, d’un très-grand prix. Le savant curé de Saint-Étienne-du-Mont, M. l’abbé Delaunay, qui tout récemment a si bien prouvé au public quelle étude approfondie il a faite de l’Imitation, a depuis longtemps dirigé vers ce beau livre ses prédilections d’amateur, en même temps que son admiration de chrétien. Il en possède toutes les éditions curieuses et toutes les traductions importantes, et il nous a communiqué ses nombreux exemplaires de l’Imitation de Corneille avec un empressement dont ses judicieuses remarques et ses excellents avis augmentaient encore singulièrement le prix. Nous devons aussi des remercîments tout particuliers à M. Aimé Dubois, qui a bien voulu nous permettre de recueillir des variantes autographes de Corneille inscrites sur les marges d’un précieux exemplaire de sa traduction (édition de 1658, in-4o[42]). Tant de communications, d’encouragements et de conseils nous imposaient des devoirs auxquels nous nous sommes efforcé de satisfaire, sans oser espérer que nous ayons pu les remplir dans toute leur étendue. Nous avons du reste besoin plus que jamais de documents et de direction, car nous abordons dans le détail la préparation du volume qui contiendra les poésies diverses et les lettres. Qu’on nous permette de rappeler ici une dernière fois que pour essayer de constituer un corps de correspondance, nous joindrons aux lettres de Corneille celles qui lui ont été adressées ; l’intérêt d’une pareille publication nous paraît devoir être très-grand, mais si nous espérons qu’elle ne sera pas trop incomplète, c’est surtout parce que nous osons compter encore en cette circonstance sur les utiles secours qui jusqu’ici nous ont tant aidé et si puissamment soutenu.


  1. Œuvres, tome III, p. 109.
  2. Voyez précédemment, tome VI, p. 4.
  3. Édition de 1722, in-4o, tome V, p. 359, note 1.
  4. 1724, in-8o, p. 284-286.
  5. Page 1988.
  6. Pages 2272-2276.
  7. 2 volumes in-12, tome I, p. 47-72.
  8. Page 72.
  9. Réponse à l’épître de M. Rousseau contre les esprits forts.
  10. Voici cette note : « Corneille paroît lui-même avoir voulu s’humilier, puisqu’il dit au pape dans son épître dédicatoire : « La « traduction que j’ai choisie, etc. » Voyez ce passage que nous reproduisons avec plus d’étendue dans la Notice, quelques lignes plus loin.
  11. Voyez ci-après, p. 5 et 6.
  12. Strophe iv
  13. Voyez ci-dessus, p. iii.
  14. Édition de 1662, p. 241.
  15. Le recueil renferme une pièce intitulée : Response au remerciement que Monsieur D… Conseiller au Parlement de Bordeaux fit d’un livre intitulé Pancirole… que l’Autheur luy avait presté. (Page 94.)
  16. Ceux de nos lecteurs qui voudraient avoir l’énumération complète de tous les critiques qui dans cette question ont repoussé l’odieuse accusation dirigée contre Pierre Corneille, la trouveront dans une intéressante dissertation dont voici le titre : Note sur Pierre Corneille, considéré à tort comme l’auteur du poème l’Occasion perdue recouverte ; lue à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, par Édouard Frère. Rouen, imp. de H. Boissel, 18647 in-8o de 18 pages. Tiré à cinquante exemplaires.
  17. Au lecteur, ci-après, p. 17.
  18. Voyez ci-après, p. 18.
  19. Voyez les Lettres des années 1652 et 1656.
  20. Voyez ci-après, p. 18 et 19.
  21. Voyez ci-après, p. 12.
  22. Voyez ci-après, p. 14 et 15.
  23. En voici le titre exact : « L’Imitation de Iesvs-Christ. Traduite en vers françois par P. Corneille. Seconde partie. — À Rouen, de l’imprimerie de L. Maurry… M.DC.LII. Avec privilege du Roy. 1 vol. petit in-12 de 6 feuillets préliminaires et 60 feuillets numérotés. »
  24. Voyez ci-après, p. 19.
  25. Voyez ci-après, p. 36.
  26. Voyez ci-après, p. 21.
  27. Nous croyons devoir réimprimer ici ce privilège à cause des particularités curieuses qu’il contient et de la manière flatteuse dont Corneille y est traité : « Notre cher et bien aimé le sieur Corneille nous a fait remontrer qu’il a traduit en vers françois l’Imitation de Jésus-Christ, dont il a déjà fait imprimer les deux premiers livres en vertu du privilége à lui accordé par nos lettres du 22 septembre 1651 ; lesquels deux premiers livres il auroit fait enrichir de figures de taille-douce sur chaque chapitre, contenant chacune quelque exemple tiré de l’Écriture sainte ou de la Vie des saints, et appliquée à une sentence contenue auxdits chapitres ; ce qu’il désireroit continuer à l’avenir pour les deux livres restant à imprimer ; et d’autant que dans nosdites lettres en forme de privilége il ne seroit parlé desdites figures et que plusieurs personnes pourroient les faire graver de nouveau pour les appliquer sur le texte latin et original de l’Imitation de Jésus-Christ, ou sur les versions qu’on en a faites en prose françoise et autres langues, ou même pour les vendre et débiter au public en images séparées, et frustrer par ce moyen ledit exposant des fruits de son travail ; et de plus que ne lui ayant accordé notredit privilége pour l’impression de ladite version en vers françois que pour cinq ans, il ne pourroit être remboursé en si peu de temps des dépenses qu’il lui convient faire tant pour ladite impression que pour lesdites figures en taille-douce, s’il n’avoit de nouveau nos lettres sur ce nécessaires pour lesdites figures et pour plus longtemps qu’il n’est porté par notre privilége du 22 septembre 1651, lesquelles il nous a très-humblement supplié de lui accorder. À ces causes, et pour reconnoître en quelque sorte le mérite dudit sieur Corneille, dont les excellentes productions d’esprit sont désirées par tout notre royaume, et même dans les pays étrangers, nous lui avons permis de faire imprimer ladite traduction par lui faite en vers françois de l’Imitation de Jésus-Christ… avec figures ou sans figures, durant l’espace de quinze ans… Donné à Paris le trentième jour de décembre, l’an de grâce mil six cent cinquante-trois. » Ce privilége se trouve reproduit dans trois de nos éditions de 1656 (celles que nous distinguons par les lettres B, C et D : voyez ci-après la liste des éditions, p. xx).
  28. Plus loin, Desmarets raconte en ces termes comment il fut amené successivement, de la traduction d’un chapitre, puis d’un livre, à celle de l’ouvrage tout entier : « Je veux donc croire que mon aimable Rédempteur eut la bonté d’inspirer au maître que je sers sur la terre, le désir que je fisse en vers un chapitre de ce livre, en style pressé et naïf comme celui de l’auteur ; puis il eut impatience d’avoir en vers le quatrième livre, qui traite du saint sacrement ; et enfin voyant la facilité que Dieu m’avoit donnée pour cette version, il me fit entreprendre celle des autres livres. »
  29. Voyez ci-après, p. 13, note 8.
  30. Ces planches sont gravées par Jérôme David, Karle Audran et Campion, d’après R. du Dot, Fr. Chauveau, etc.
  31. La gravure du premier livre représente une prédication de Jésus-Christ ; celle du second, l’Annonciation ; celle du troisième, les Apôtres quittant leurs occupations pour suivre Jésus-Christ ; celle du quatrième, la Cène. Ces quatre planches sont de Fr. Chauveau.
  32. Voyez ci-après, p. 1-7, cette dédicace et les notes qui l’accompagnent.
  33. Le volume qui porte ces mots n’avait été vendu que quarante francs à la vente de Didot et quarante-deux francs à celle de M. de Chalabre ; mais il a monté à cent dix francs à celle de Guilbert de Pixérécourt, et a été adjugé au prix de six cent soixante-cinq francs à la vente de la bibliothèque de M. Giraud ; il figure aujourd’hui dans celle de M. le duc d’Aumale.
  34. Le volume sur lequel se trouve cet envoi appartient à la Bibliothèque de Rouen, à laquelle il a été donné en 1831 par M. Henri Barbet, alors maire de cette ville. On trouve la description et le fac-similé de cet envoi de Corneille dans la Revue de Rouen, tome VI, 1835, p. 183 et 184.
  35. N° 171, 1er février 1864, p. 54.
  36. Ce feuillet du reste n’est pas décrit parmi les autographes de M. de Soleinne. On rappelle seulement dans l’Avertissement un exemplaire de l’édition originale du Cid, inscrit sous le n° 1145, tome I, p. 251, sur la garde duquel on lit : À Anne un amy, de l’écriture de Corneille.
  37. Voyez ci-dessus, p. i et ii.
  38. Promenade de Saint-Cloud, dans les Mémoires historiques, critiques et littéraires par feu M. Bruys, 1751, tome II, p. 213 et 214.
  39. Voyez tome I, p. x, note 1.
  40. Voyez ci-après, p. 21 et 26.
  41. Voyez tome I. p. viii, note 2.
  42. Cet exemplaire, qui a figuré à la vente Renouard, sous le n° 114, s’y est vendu trois cent cinquante francs.