Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 La Veuve Acte II

Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1 La Veuve Acte II
Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachettetome I (p. 420-444).
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ACTE II.



Scène première.

PHILISTE[1].

Secrets tyrans de ma pensée,
Respect, amour, de qui les lois
395D’un juste et fâcheux contre-poids
La tiennent toujours balancée,
Que vos mouvements opposés[2],
Vos traits, l’un par l’autre brisés,
Sont puissants à s’entre-détruire !
400Que l’un m’offre d’espoir ! que l’autre a de rigueur !
Et tandis que tous deux tâchent à me séduire,
Que leur combat est rude au milieu de mon cœur !

Moi-même je fais mon supplice
À force de leur obéir[3] ;

405Mais le moyen de les haïr ?
Ils viennent tous deux de Clarice ;
Ils mon entretiennent tous deux,
Et forment ma crainte et mes vœux[4]
Pour ce bel œil qui les fait naître ;
410Et de deux flots divers mon esprit agité,
Plein de glace, et d’un feu qui n’oseroit paroître,
Blâme sa retenue et sa témérité.

Mon âme, dans cet esclavage,
Fait des vœux qu’elle n’ose offrir ;
415J’aime seulement pour souffrir ;
J’ai trop et trop peu de courage :
Je vois bien que je suis aimé,
Et que l’objet qui m’a charmé
Vit en de pareilles contraintes.
420Mon silence à ses feux fait tant de trahison,
Qu’impertinent captif de mes frivoles craintes,
Pour accroître son mal, je fuis ma guérison.

Elle brûle, et par quelque signe
Que son cœur s’explique avec moi[5],
425Je doute de ce que je voi[6],
Parce que je m’en trouve indigne.
Espoir, adieu ; c’est trop flatté :
Ne crois pas que cette beauté
Daigne avouer de telles flammes[7] ;

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  1. Dans l’édition de 1634, au-dessous du nom de philiste, ou lit en titre : stances.
  2. Var.Vos mouvements irrésolus
    Ont trop de flux et de reflus (a),
    L’un m’élève et l’autre m’atterre ;
    L’un nourrit mon espoir, et l’autre ma langueur.
    N’avez-vous point ailleurs où vous faire la guerre,
    Sans ainsi vous combattre aux dépens de mon cœur ? (1634)
    (a). Reflus paraît avoir été écrit ainsi pour la rime ; car dans ce même vers le mot simple fux se termine régulièrement par un x.
  3. Var.À force de vous obéir ;
    Mais le moyen de vous haïr ?
    Vous venez tous deux de Clarice ;
    Vous m’en entretenez tous deux,
    Et formez ma crainte et mes vœux
    Pour ce bel œil qui vous fait naître. (1634)
  4. Var.Et formant ma crainte et mes vœux.
    [Pour ce bel œil qui les fait naître,]
    De deux contraires flots mon esprit agité. (1648)
  5. Var.Qu’elle me découvre son cœur,
    Je le prends pour un trait moqueur,
    D’autant que je m’en trouve indigne. (1634-57)
  6. Il ne faut pas voir ici une licence poétique destinée à faciliter la rime. Cette orthographe est partout celle de Corneille et de ses contemporains.
  7. Var.Avouât des flammes si basses ;
    Et par le soin exact qu’elle a de les cacher,