Coran Savary/Vie de Mahomet/JC641

Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (1p. 142-160).
(Depuis la chute d’Adam, suivant Abul Feda. 6226. — Depuis la naissance de J.-C. 641. — Après l’hégire. 11. — De Mahomet. 63.)

Connaissant l’importance du culte extérieur, l’empire qu’il a sur les hommes, Mahomet en avait rempli tous les devoirs avec cette piété noble et simple qui imprime dans les esprits une haute idée de la divinité. Partout l’exemple avait accompagné le précepte. Le respect profond avec lequel il avait accompli les moindres cérémonies, avait appris au peuple à vénérer les choses saintes. De retour à Médine, il se glorifiait d’avoir donné une religion à ses semblables. Il voyait réunis sous un chef, sous une loi, les Arabes, cette nation indomptable, qui, à l’abri de ses déserts, avait bravé la puissance des Égyptiens, le faste des Perses et l’orgueil des Romains. À la tête d’un peuple nouveau, enflammé de son enthousiasme, enorgueilli de ses succès, il se préparait à combattre la lâcheté et la mollesse des Grecs. Il se flattait de rendre leur empire ou tributaire, ou musulman. La mort vint détruire ces flatteuses espérances. « Il tomba malade au mois de Safar. La fièvre le surprit chez l’une de ses femmes nommée Zaïnab[1]. Chacune d’elle avait sa maison particulière, et il les visitait tour à tour. Le lendemain se trouvant dans l’appartement de Maïmouna, et le mal augmentant, il rassembla ses épouses, et leur demanda la permission de passer le temps de sa maladie chez l’une d’elles. Toutes allèrent au-devant de ses vœux, et la maison de la tendre Aïesha lui fut désignée. Il s’y fit transporter sur-le-champ. « Ô ma chère Aïesha ! lui dit-il, depuis que j’ai mis dans ma bouche le fatal morceau de Khaïbar, je n’ai cessé de ressentir les funestes effets du poison ; mais dans ce moment-ci il dévore mes entrailles, il déchire les veines de mon cœur. » Au plus fort de la douleur, il méditait une expédition dont il désirait ardemment le succès. La mort de Zaïd n’avait point été vengée. Il fallait des ruisseaux de sang pour apaiser les mânes d’un ami. Il fit venir son fils Oçama, et lui commanda de faire une irruption dans la Palestine, à la tête d’un corps de cavalerie, et de ravager tout le pays depuis Balca et d’Aroum, jusqu’à Obna, où Zaïd avait succombé[2]. Cet officier n’avait que vingt ans ; mais il avait à venger la mort d’un père, et Mahomet ne balança pas à lui confier le commandement de l’armée. Malgré de violens accès de fièvre, il s’occupa des préparatifs, et nomma les officiers et les soldats qui devaient être de l’expédition. Le lendemain de grand matin, il se fit apporter l’étendard de l’islamisme, et le remettant au jeune général, il lui dit : « Prenez les armes pour la cause de Dieu ; faites vaillamment la guerre sainte, et passez les idolâtres au fil de l’épée[3]. Oçama partit, et alla camper à Jorf, peu distant de Médine. Ayant appris que la maladie devenait plus grave, il s’y arrêta. La mort du prophète fit différer l’expédition jusqu’au mois de Rabie. Ce fut alors qu’Oçama, ayant porté par l’ordre d’Abubecr le fer et la flamme en Syrie, tua de sa propre main le meurtrier de son père.

Tandis que Mahomet était aux prises avec la douleur, on vint lui annoncer la révolte d’Aswad, surnommé Aïala (le changeant)[4]. Sa naissance et son esprit avaient acquis une grande considération parmi les Arabes de l’Yemen. Badhan, qui en était vice-roi pour Mahomet, étant venu à mourir, il leva l’étendard de la rébellion, tua son fils, et s’empara du gouvernement. Devin habile et grand faiseur d’enchantemens, il se disait inspiré par deux esprits[5], qui lui apportaient la révélation divine. Tandis qu’il en imposait par des prestiges grossiers aux yeux de la multitude, il soumettait par ses armes les diverses tribus. Ses premiers succès furent brillans ; mais l’apôtre des croyans prit de sages mesures pour les arrêter. Il écrivit à ses partisans, et Firous, dont le devin Aswad avait tué l’oncle, le mit à mort. L’Yemen rentra sous l’obéissance de Mahomet.

Le mal faisait des progrès rapides. Les Musulmans tremblaient pour les jours de leur apôtre. Fatime vint lui rendre visite. Elle s’avança au milieu de sa chambre avec cette majesté qui caractérisait la fille du prophète. Mahomet la voyant s’approcher de son lit, s’inclina vers elle et lui dit : « Ô ma fille ! soyez la bienvenue. » Il la fit asseoir à ses côtés, et lui dit à l’oreille[6] : « Ô Fatime ! Gabriel avait coutume de m’apparaître une fois tous les ans, il m’a visité deux fois cette année. Je ne le reverrai plus qu’au moment où je partirai de ce monde. Cet instant n’est pas éloigné, et je suis charmé de vous précéder. » Fatime fondait en larmes. Mahomet, s’apercevant de l’impression profonde qu’il avait fait sur son cœur, tâcha de la consoler. « Ô ma fille ! ajouta-t-il, pourquoi vous abandonner à la tristesse ? Ne devez-vous pas vous réjouir d’être la princesse des femmes des fidèles, la première de votre nation ? » Fatime sourit. Sa douleur n’en était pas moins vive. Elle suivit de près son père.

Le même jour il se leva, et appuyé sur le bras de Fadl et d’Ali, il se rendit à la mosquée. Étant monté dans la tribune, il publia les louanges de Dieu à la manière accoutumée, et parla ainsi[7] : « Ô Musulmans ! si j’ai fait flageller un seul d’entre vous, voilà mon dos, qu’il frappe. » Si j’ai flétri sa réputation, qu’il déchire la mienne ; si je lui ai fait souffrir un affront, qu’il me traite de la même manière ; si je lui ai demandé de l’argent injustement, voilà ma bourse. Que personne ne soit arrêté par la crainte de mon ressentiment ; l’injustice n’entre point dans mon caractère. » Ce discours prononcé, il descendit de la tribune, et fit la prière de midi. Lorsqu’elle fut finie, un homme vint demander trois drachmes qui lui étaient dues. Mahomet les lui remit avec l’intérêt, en disant : « Le déshonneur de ce monde est plus facile à supporter que l’opprobre de l’autre. Dieu, ajouta-t-il, a donné le choix de cette vie ou de la vie éternelle à l’un de ses serviteurs ; et il a préféré la vie éternelle. » Alors, faisant approcher les Ansariens, ces braves compagnons, ces gardes fidèles qui l’avaient reçu si généreusement, si vaillamment défendu, il leur déclara ses dernières volontés. « Chassez, leur dit-il, tous les idolâtres de la péninsule d’Arabie ; accordez aux nouveaux convertis tous les droits dont jouissent les Musulmans, et soyez fidèles à la prière[8]. Ces ordres, regardés comme les articles les plus essentiels du testament du prophète, ont été suivis exactement. Nulle autre religion que la mahométane n’est tolérée en Arabie. Les prosélytes qu’elle fait jouissent des mêmes priviléges que les Turcs ; et, à la Porte-Ottomane, ils parviennent aux premières dignités de l’état. Quant à la prière, la piété des Musulmans, le respect profond qu’ils portent dans leurs temples, font voir qu’ils sont persuadés de la présence d’un Être Suprême. Mahomet termina son discours par une imprécation contre les Juifs, à la perfidie desquels il devait la mort qui couvait dans son sein. « Que les Juifs, s’écria-t-il, soient maudits de Dieu ! Ils ont changé en temples les sépulcres de leurs prophètes. »

Une des dernières actions de sa vie fut de donner la liberté à ses esclaves[9]. Tout le temps qu’il se sentit assez de force pour se rendre à la mosquée, il fit constamment la prière au peuple. Lorsque le mal l’eut altéré, il chargea Abubecr de le remplacer dans cet emploi. Il voyait s’approcher la mort sans effroi, et s’entretenait tranquillement avec sa famille des apprêts de ses funérailles[10]. Un jour que ses parens éplorés environnaient son lit, « Apôtre de Dieu, lui demanda l’un d’eux, si nous avons le malheur de vous perdre, qui priera pour vous ? » « Je vais vous le dire, » répondit-il. Alors des pleurs coulèrent de tous les yeux, et il ne put retenir les siens. Les ayant essuyés, il continua ainsi[11] : « Lorsque vous m’aurez lavé, enseveli et mis dans le cercueil, vous poserez mon corps sur le bord de la fosse que vous creuserez à la place où je suis. » Ces devoirs remplis, vous sortirez et vous me laisserez seul. Le premier qui viendra prier pour moi, sera Gabriel, mon fidèle ami. Michel et Asraphel le suivront. L’ange de la mort, accompagné de ses légions, priera ensuite auprès de mon tombeau. Les autres anges, à la tête des milices célestes, fermeront la marche. Lorsqu’ils m’auront rendu ces derniers devoirs, vous entrerez par troupes, vous prierez pour moi, et vous me souhaiterez la paix. Ma famille mènera le deuil, et sera suivie du reste des fidèles. Mais, je vous en conjure, qu’aucunes plaintes, qu’aucuns gémissemens ne viennent troubler mon repos. Quant à vous qui entourez mon lit, dès ce moment je vous donne la paix. Je vous prie de la souhaiter en mon nom à mes compagnons absens. Je vous prends à témoin que je la souhaite à tous ceux qui embrasseront l’islamisme jusqu’au jour de la résurrection. — À qui sera-t-il permis de descendre dans votre tombeau ? — À ma famille. Vous y serez environnés d’anges qui vous verront, quoique vous ne puissiez les apercevoir. »

C’est ainsi que Mahomet, luttant contre la mort, soutenait jusqu’au dernier moment le rôle de prophète, qu’il avait commencé à quarante ans : c’est ainsi que maître de son âme au plus fort de la douleur, comme il l’avait été au milieu des combats, il accomplissait avec une présence d’esprit étonnante la dernière scène de la vie humaine. Toutes ses paroles étaient mesurées sur l’idée qu’on devait avoir de lui. Dans ces momens où la faiblesse humaine est accablée sous le bras terrible de la mort, il recueillait toutes les forces de son intelligence pour ne rien dire qui fût indigne du caractère auguste qu’il s’était imprimé. Un seul instant son esprit égaré par la violence du mal se perdit dans les espaces imaginaires. « Apportez-moi, s’écria-t-il, de l’encre et du papier, afin que j’écrive un livre qui vous empêchera de retourner jamais à l’erreur[12]. » Le prophète est dans le délire, dirent les plus sages. N’avons-nous pas le Coran ? Ce livre divin nous suffit. D’autres voulaient qu’on le satisfît. On disputait avec chaleur. Le bruit le rendit à lui-même. « Retirez-vous, dit-il aux assistans ; il n’est pas bienséant de disputer devant un prophète. »

Le malade recevait de fréquentes visites. Ses parens, ses amis, les premiers de la ville se rendaient en foule dans son appartement. Ce concours l’importuna. Sentant que sa tête s’affaiblissait, il feignit d’être profondément occupé des idées éternelles, et défendit de laisser entrer personne. Aïesha eut seule la permission de rester auprès de lui. Sûr de son affection, il craignit moins de laisser échapper quelque faiblesse devant elle. C’est de cette épouse aimée que nous tenons les dernières circonstances de sa vie. En voici une des plus remarquables. Les trois derniers jours de sa maladie, Gabriel lui rendit de fréquentes visites[13]. Il lui demandait familièrement des nouvelles de sa santé. Le lundi, jour où il termina sa carrière, l’ange de la mort se présenta à la porte. Gabriel l’apercevant, dit à son ami : « Voilà l’ange de la mort[14] qui demande la permission d’entrer[15] Tu es le premier des mortels pour qui il ait eu cette déférence. Il ne l’aura pour aucun autre. » « Qu’il entre, » répondit Mahomet. Le messager terrible entra ; mais quittant son air menaçant, il dit : « Ô apôtre de Dieu ! ô Ahmed ! l’Éternel m’a envoyé vers toi. Il m’a ordonné d’exécuter tes volontés. Soit que tu me commandes de prendre ton âme, soit que tu me commandes de la laisser, j’obéirai. Prends-la, ajouta Mahomet. Puisque c’est ta volonté… Dieu, ajouta Gabriel, désire ardemment ta présence. Pour moi, voilà la dernière fois que mes pieds fouleront la terre. Je m’envole pour jamais de ce monde. » À l’instant l’ange de la mort remplit son redoutable ministère.

Tout cet entretien n’était point sans fondement. Mahomet, gardant toujours la majesté de son caractère, voulait confirmer ce qu’il avait souvent répété, qu’avant d’enlever un prophète de ce monde, Dieu lui montrait la place qu’il devait occuper dans l’autre, et le laissait maître du choix. Aïesha, la dépositaire de ses dernières paroles, nous l’apprend en ces mots : « Lorsque le moment de son agonie fut venu, j’étais assise près de lui. Sa tête penchée reposait sur mes genoux. Il s’évanouit ; mais bientôt revenu à lui-même, il ouvrit les yeux et les fixa vers le toit de la maison. Ses paupières étaient immobiles. Je l’entendis prononcer d’une voix faible : Avec les citoyens des cieux. Alors je compris qu’il avait choisi le séjour éternel. Le cœur brisé de douleur, je lui serrai la main et je l’entendis répéter ce verset : Tels sont entre les fils d’Adam, de Noé, d’Abraham et d’Ismaël, les prophètes que Dieu combla de ses grâces. Il les choisit parmi ceux qu’il éclaira du flambeau de la foi. Lorsqu’on leur récitait les merveilles du miséricordieux, le front prosterné, les yeux baignés de larmes, ils adoraient sa majesté suprême[16]. » Il rendit l’âme en prononçant ces derniers mots. « Alors, continue Aïesha, je posai sa tête sur un coussin, je me frappai la poitrine, je me meurtris le visage en poussant de longs gémissemens. Ses autres épouses, partageant ma douleur, remplirent l’air de leurs cris lugubres, et déchirèrent leurs vêtemens. »

Aussitôt que la nouvelle de sa mort se fut répandue dans la ville, un cri universel s’éleva : Le prophète n’est plus[17] ! La consternation devint générale. Les hommes, frappés d’un étonnement stupide, semblaient être en délire. Les uns levaient au ciel des yeux égarés ; les autres, semblables à des convulsionnaires, poussaient des hurlemens ; ceux-ci, couvant une douleur profonde, gardaient un morne silence ; ceux-là, agités de vertige, se roulaient à terre. La populace, ne pouvant se persuader qu’elle eût perdu pour jamais son apôtre, se rendit en foule à la porte de sa maison. Les plus fanatiques s’écrièrent : Il n’est pas mort. Il est ravi en extase. Omar, emporté par son zèle bouillant, accrédita cette opinion. « Non, dit-il, le prophète n’est pas mort : il est allé vers le Seigneur, comme le fit Moïse, qui s’absenta du peuple pendant quarante jours. » Il menaça de tuer quiconque oserait soutenir le contraire. Cette assertion, favorable aux préjugés de la multitude, augmenta le désordre. Abubecr eut besoin de toute son autorité pour l’apaiser. S’étant avancé au milieu du peuple assemblé, il parla ainsi : « Ô vous qui proférez des sermens si peu raisonnables, daignez m’entendre de sang-froid. » À ce début, Omar s’assit[18]. Abubecr, après avoir prononcé la formule de prière accoutumée, continua : « Ô Musulmans ! si votre vénération profonde pour Mahomet vous l’a fait croire immortel, vous êtes dans l’erreur. Il est mort. Dieu seul vit toujours. Lui seul a droit à vos adorations. L’Éternel a prononcé, en parlant au prophète, l’arrêt qui doit lever vos doutes : Tu mourras, et ils mourront[19]. Il ajoute dans un autre verset : Mahomet n’est que l’envoyé de Dieu. D’autres apôtres l’ont précédé ; s’il mourait ou s’il était tué, abandonneriez-vous sa doctrine[20] ? Ces paroles, tirées du Coran, opérèrent la conviction. Les clameurs et le tumulte firent place aux larmes et aux gémissemens. Tout le monde fut persuadé que le prophète n’était plus. La multitude étant calmée, on procéda à l’élection d’un successeur. Il s’éleva de grands débats entre les contendans. Ali, désigné calife par Mahomet lui-même ; Ali, son gendre et son cousin, avait plus de droits qu’aucun autre à cette haute dignité. Sa jeunesse et les intrigues d’Aïesha l’en firent exclure. Abubecr l’emporta. Il fut salué calife. Les Musulmans le reconnurent en cette qualité, et lui prêtèrent serment d’obéissance et de fidélité. Ayant pris en main les rênes de l’état, son premier soin fut de rendre les derniers devoirs au prophète. Il y avait déjà trois jours qu’il était mort, et l’enflure commençait à gagner. Elabbas, son oncle, éleva une tente dans l’appartement, et fit mettre le corps au milieu[21]. Il appela dans l’intérieur Ali, Elfaldl et Cottam, ses deux fils, Oçama, ami du défunt, et Socran, son domestique. On lava le corps, couvert d’une chemise et d’une saie que l’on fit sécher en exprimant l’eau ; on l’embauma avec du camphre, et l’on oignit d’aromates les parties qui touchent la terre lorsqu’on se prosterne pour l’adoration ; on finit par l’ablution sacrée du visage, des bras, des mains et des pieds ; ensuite on le revêtit de deux robes blanches et d’un manteau rayé. On sema à l’entour du bois odoriférant, et l’on jeta dessus une composition d’ambre, de musc et d’aloès. Lorsque le corps eut été mis dans le cercueil, on le laissa exposé aux regards de la multitude.

Les Hashemites, conduits par Elabbas, furent les premiers à prier pour le prophète. Les Mohagériens et les Ansariens, compagnons de ses victoires, vinrent ensuite lui rendre leurs derniers devoirs. Les principaux citoyens de Médine les suivirent. Le peuple se rendit par troupes autour de son cercueil, et pria avec beaucoup d’ordre et de décence. On voyait couler les larmes de tous les yeux ; mais on n’entendait ni plaintes ni gémissemens. La vénération qu’on avait pour ses dernières volontés, avait mis un frein à la douleur publique.

Lorsqu’il fallut mettre le corps en terre, il s’éleva de grandes contestations[22]. Les Mohagériens voulaient qu’on le transportât à la Mecque, et qu’on l’inhumât dans sa patrie[23] ; les Ansariens soutenaient qu’il devait rester à Médine, puisque cette ville lui avait offert un asile contre la persécution. Un troisième parti était d’avis qu’on le portât à Jérusalem, lieu de la sépulture des prophètes. Abubecr termina ces différens, en rapportant ces mots recueillis de la bouche de Mahomet : Un prophète doit être enterré au lieu où il est mort. Ces paroles firent loi. On creusa la terre à l’endroit où il avait terminé sa carrière, et l’on y descendit son cercueil[24]. Ali, Elfadl et Cottam entrèrent dans le tombeau, et mouillèrent pour la dernière fois de leurs larmes les restes mortels de leur apôtre. On couvrit le corps de terre, et le peuple se retira.

Lorsque les funérailles furent finies, Fatime, la fille chérie de Mahomet, vint pleurer sur sa tombe. Elle prononça ce discours entrecoupé de sanglots[25] : « Ô mon père ! ô ministre du Très-Haut ! ô prophète du Dieu miséricordieux ! c’en est donc fait ! la révélation divine est ensevelie avec toi. L’ange Gabriel a pris pour jamais son essor dans les cieux. Être Suprême, exauce mes derniers vœux ; hâte-toi de réunir mon âme à la sienne ; fais que je revoie sa face ; ne me prive pas du prix de ses mérites et de son intercession au jour du jugement. » Puis prenant un peu de la poussière qui couvrait le cercueil, et l’approchant de son visage, elle ajouta : « Lorsque l’on a senti la poussière de sa tombe, peut-on trouver de l’odeur aux parfums les plus exquis ? Hélas ! toutes les sensations agréables sont éteintes pour mon cœur. Les nuages que la tristesse élève autour de moi, changeraient en nuit sombre les plus beaux jours. »

Les souhaits de Fatime furent exaucés ; elle ne survécut que quelques mois à son père.

Aïesha, d’un autre côté, renfermée dans son appartement, s’abandonnait aux larmes et aux regrets. Au milieu du deuil universel, Sofia, tante de Mahomet, qui avait l’âme forte et élevée, proposa des consolations à sa famille, en prononçant cet éloge funèbre[26] : « Ô apôtre de Dieu ! vous êtes, même sous la tombe, notre plus chère espérance. Vous vécûtes au milieu de nous, pur, innocent et juste. Tous trouvaient en vous un guide sage et éclairé. Pleure sur vous celui qui peut verser des larmes. Pour moi, j’en jure par la félicité dont vous jouissez, le malheur d’avoir perdu le prophète ne me fera point gémir sur sa tombe. Qu’avons-nous à craindre de son absence ? Le Dieu de Mahomet suspendra-t-il pour nous le cours de ses bénédictions ? Au contraire, il les versera en plus grande abondance par son intercession. Tranquille dans cet asile, sans crainte auprès de son tombeau, je coulerai paisiblement le reste de mes jours à Médine… Ô apôtre de Dieu ! que l’Éternel vous accorde la paix dans toute son étendue ! Introduit dans le séjour de délices, vous goûtez déjà les plaisirs ineffables de félicité éternelle. »

Les auteurs arabes ont pris plaisir à nous représenter leur prophète avec toutes les perfections de l’esprit et du corps. Abul-Feda, plus sage et moins partial, nous a laissé ce tableau tracé par la main d’Ali. Mahomet était d’une taille moyenne. Il avait la tête grosse, la barbe épaisse, les paumes des mains et les plantes des pieds fortes et rudes, les os gros et compactes, le teint vermeil, les yeux noirs, le contour des joues gracieux, les cheveux sans frisure, et le cou blanc et uni comme l’ivoire.

Le même auteur nous peint ainsi ses qualités personnelles et ses vertus morales. Mahomet avait reçu de la nature une intelligence supérieure, une raison exquise, une mémoire prodigieuse[27]. Il parlait peu, et se plaisait dans le silence. Son front était toujours serein. Sa conversation était agréable, et son caractère égal. Juste envers tous ; un parent, un étranger, l’homme puissant où le faible ne faisaient jamais pencher la balance dans ses mains. Il ne méprisait point le pauvre à cause de sa pauvreté, et ne révérait point le riche à cause de ses richesses. Il employait le charme de son entretien à gagner le cœur des grands, et réservait sa familiarité pour ses amis. Il écoutait avec patience celui qui lui parlait, et ne se levait jamais le premier. Si quelqu’un lui serrait la main en signe d’amitié, il ne la retirait point avant qu’on ne l’eût prévenu. Il visitait fréquemment ses compagnons d’armes, et s’informait de leurs affaires. Conquérant de l’Arabie, il s’asseyait souvent à terre, allumait son feu, et préparait de ses propres mains à manger à ses hôtes.

Maître de tant de trésors, il les répandait généreusement, et ne gardait pour sa maison que le simple nécessaire[28]. On dit de lui qu’il surpassa les hommes en quatre choses, en valeur, en libéralité, à la lutte, et en vigueur dans le mariage. Il disait souvent que Dieu avait créé deux choses pour le bonheur des humains : les femmes et les parfums.

Suivant la loi mahométane dictée par lui-même, il n’est permis d’avoir que quatre femmes à la fois[29]. Il en épousa quinze, et eut commerce avec douze. Il croyait qu’il était de la dignité d’un prophète de n’être point limité comme le reste des mortels ; aussi fait-il parler le ciel en ces mots : « Ô prophète ! il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et de tes tantes qui ont pris la fuite avec toi, et toute femme fidèle qui te livrera son cœur[30]. »

« Nous connaissons les lois du mariage que nous avons établies pour les fidèles. Ne crains point d’être coupable en usant de tes droits. Dieu est indulgent et miséricordieux[31]. »

De toutes ces femmes, excepté Marie l’Égyptienne, dont il eut Ibrahim, Cadige fut la seule qui lui donna des enfans. Il en eut quatre fils, Elcasem, dont il prit le surnom, Eltaïeb, Eltaher et Abdallah, qui moururent tous en bas âge ; et quatre filles, dont les noms sont Zaïnab, Rokaïa, Omm Colthoum et Fatime. Elles furent toutes mariées ; mais Fatime seule lui survécut.

Nous terminerons cet abrégé par un tableau des traits qui caractérisent particulièrement le législateur de l’Arabie. Mahomet fut un de ces hommes extraordinaires qui, nés avec des talens supérieurs, paraissent de loin à loin sur la scène du monde pour en changer la face, et pour enchaîner les mortels à leur char. Lorsque l’on considère le point d’où il est parti, le faîte de grandeur où il est parvenu, on est étonné de ce que peut le génie humain favorisé des circonstances. Né idolâtre, il s’élève à la connaissance d’un Dieu unique, et, déchirant le voile du paganisme, il songe à donner un culte à ses semblables. L’adversité qu’il éprouve en naissant, ne sert qu’à affermir une âme faite pour braver tous les revers. Instruit par ses voyages, il avait vu les Grecs divisés dans leur croyance, se charger d’anathèmes ; les Hébreux, l’horreur des nations, défendre avec opiniâtreté la loi de Moïse ; les diverses tribus arabes plongées dans les ténèbres de l’idolâtrie. Frappé de ce tableau, il se retire dans la solitude, et médite pendant quinze années un système de religion qui pût réunir, sous un même joug, le chrétien, le juif et l’idolâtre. Ce plan était vaste, mais impossible dans l’exécution. Il crut en assurer le succès en établissant un dogme simple qui, n’offrant à la raison rien qu’elle ne puisse concevoir, lui parut propre à tous les peuples de la terre : ce fut la croyance d’un Dieu unique, vengeur du crime et rémunérateur de la vertu. Mais comme il lui fallait, pour faire adopter sa doctrine, se dire autorisé du ciel, il ajouta l’obligation de le regarder comme le ministre du Dieu qu’il prêchait. Cette base posée, il prit de la morale du christianisme et du judaïsme, ce qui lui sembla le plus convenable aux peuples des climats chauds. Les Arabes ne furent point oubliés dans son plan. C’était principalement pour eux qu’il travaillait. Il leur rappela la mémoire toujours chère d’Abraham et d’Ismaël, et leur fit envisager l’islamisme comme la religion de ces deux patriarches. Savant dans l’étude de sa langue, la plus riche, la plus harmonieuse de la terre, qui, par la composition de ses verbes, peut suivre la pensée dans son vol étendu, et la peindre avec justesse ; qui, par l’harmonie de ses sons, imite le cri des animaux, le murmure de l’onde fugitive, le bruit du tonnerre, le souffle des vents ; savant, dis-je, dans l’étude d’une langue que tant de poëtes ont embellie, et qui existe depuis le commencement du monde, il s’appliqua à donner à sa morale tout le charme de la diction, à ses préceptes la majesté qui leur convenait, aux fables accréditées de son temps une touche originale qui les rendît intéressantes. Lorsque le moment qu’il avait choisi pour annoncer sa mission fut venu, il environna sa marche de ténèbres, et se borna d’abord à convertir ceux qui se trouvaient dans l’intérieur de sa maison. Sûr de son domestique, il gagna, soit par artifice, soit par la supériorité de ses lumières, quelques-uns des principaux citoyens de la Mecque. Lorsqu’il vit que son parti se fortifiait, il tonna contre l’idolâtrie. Les disgrâces, l’exil, la proscription ne servirent qu’à fortifier son courage. S’étant préparé par ses émissaires une retraite à la cour du roi d’Abyssinie, un asile à Médine, il annonça ses desseins ambitieux, et parut au grand jour. Les chrétiens démasquèrent ses erreurs, et crièrent à l’imposture ; les Juifs ne reconnaissant point dans un simple citoyen de la Mecque ce Messie brillant de gloire qu’ils attendaient, rejetèrent sa doctrine, et se déclarèrent ses ennemis ; les Coreïshites, tremblant pour un culte qui était la base de leur puissance, mirent sa tête à prix. Ce concours de clameurs et de haine ne l’effraya point. Sa constance était au-dessus des revers, et son génie était fait pour aplanir les obstacles. Profitant de l’asile que ses intrigues lui avaient procuré parmi les Cazregites, il arma Médine contre la Mecque, et résolut de dompter par les armes ceux qu’il n’avait pu soumettre par la force de la persuasion. Désespérant de surmonter l’attachement des juifs et des chrétiens à leur religion, il abrogea les lois établies en leur faveur, et tourna toutes ses vues du côté des Arabes. Il changea le lieu vers lequel ils priaient, et leur ordonna de se tourner du côté de la Mecque. Ce précepte fut reçu avec de grandes acclamations, et tandis que le peuple le regardait comme une faveur du ciel, le législateur y voyait un moyen de fixer la pensée de ses disciples sur un lieu dont il désirait ardemment la conquête. Un point important était d’unir par des liens sacrés des tribus que divisaient d’anciennes haines. Il créa l’ordre de la fraternité : cet ordre fit des citoyens désunis, une même famille, dont tous les efforts concouraient à la grandeur du chef qui la dirigeait. Il fallut s’opposer à ses ennemis, et les repousser les armes à la main. Ce fut alors qu’il montra cette intrépidité dont il avait donné des preuves dans les combats livrés sous les yeux d’Abutaleb ; ce fut alors qu’il déploya les talens d’un grand général. La victoire ou le martyre fut l’alternative qu’il proposa à ses soldats. L’espoir d’un butin toujours partagé fidèlement enflamma leur courage. L’assurance d’un secours divin toujours présent les rendit invincibles. Obligé de combattre contre l’Arabie entière avec les seuls citoyens de Médine, la rapidité de ses attaques, les positions avantageuses qu’il sut choisir, la valeur héroïque des guerriers qu’il forma, le rendirent supérieur à ses ennemis. Tandis qu’il soufflait dans tous les cœurs le feu du fanatisme, froid au milieu du carnage, il apercevait tous les mouvemens de l’armée opposée, et profitait d’une faute, ou avait recours au stratagème pour lui arracher la victoire. La journée d’Ahed, la seule où la fortune lui fut contraire, fit voir les ressources de son génie, et l’empire qu’il avait sur les esprits. Les idolâtres, vainqueurs, n’osèrent poursuivre leur avantage, et aucun des Musulmans ne se détacha de son prophète. Lorsque la ruine des Juifs et la soumission de plusieurs tribus arabes eurent étendu sa puissance, il envoya des ambassadeurs aux souverains étrangers. Il ne se flattait pas de les voir tous embrasser l’islamisme ; mais il se préparait un prétexte pour les attaquer quand le temps serait venu. Après huit ans de combats et de triomphes, la Mecque, forcée de céder au torrent, ouvrit ses portes au vainqueur, et il y commanda en maître. De retour à Médine, il s’occupa à lier ensemble les membres épars de sa monarchie naissante, et à lui donner de la consistance. Profond dans la connaissance du cœur humain, les gouverneurs, les généraux qu’il choisit furent presque tous de grands hommes. Abubecr, Omar, Othman et Ali, ses amis les plus distingués, lui succédèrent à l’empire, et en reculèrent fort loin les limites. Ses regards ambitieux se tournaient avec complaisance du côté de la Syrie. Déjà Khaled, traversant les sables brûlans de l’Arabie, était allé venger la mort de l’ambassadeur, que la lâcheté des Grecs avait immolé au sein de la paix ; déjà ce vaillant capitaine avait remporté sur eux une des plus étonnantes victoires dont les annales de la postérité fassent mention. Le sang de plusieurs milliers de Grecs suffisait à la vengeance, et non pas à l’ambition. Mahomet avait dessein de démembrer l’empire d’Héraclius ; mais, aussi sage dans ses mesures que prompt dans l’exécution, il sentit qu’avant de l’attaquer il fallait s’assurer des petits princes qui régnaient sur l’Arabie Pétrée. Le même général qui, huit ans auparavant, n’avait pu rassembler sous ses drapeaux que trois cents treize soldats, marcha vers la Syrie à la tête de trente mille hommes. Après avoir traversé comme un éclair des déserts et des sables dévorans, il établit son camp à Tabuc. Vingt jours lui suffirent pour soumettre tous les peuples jusqu’aux frontières de la Syrie. Ayant imposé tribut à ceux qui ne voulurent pas abandonner leur religion, il retourna à Médine chargé de dépouilles et couvert de gloire. À son retour il apprit la soumission des rois d’Hemiar qui gouvernaient différentes provinces de l’Yemen. Les petits princes idolâtres vinrent tour à tour s’humilier devant le conquérant de la Mecque, et embrassèrent sa religion. Toute cette grande péninsule qui s’étend entre la mer Rouge et le golfe persique obéit à ses lois. Il se préparait à pénétrer dans l’empire des Grecs ; plus de quarante mille guerriers rassemblés sous ses étendards allaient ébranler le trône des Césars, lorsque la mort arrêta ses projets et le cours de ses prospérités. À cette nouvelle, Médine fut couverte d’un deuil universel. La peinture que nous offrent les auteurs contemporains de la consternation générale où cette ville fut plongée, est effrayante, et prouve quel ascendant Mahomet avait sur les esprits. Aussi profond politique que grand capitaine, il avait établi sa puissance sur une base si solide, que l’Arabie demeura fidèle à l’islamisme, et que ses successeurs n’eurent qu’à suivre la route qu’il avait tracée. Il avait si fort exalté l’âme des compagnons de ses exploits, que plusieurs d’entre eux devinrent d’excellens généraux, et que bientôt, sous le nom de Sarrazins, ils renversèrent le trône des Perses, démembrèrent l’empire d’Orient, conquirent l’Égypte, la Syrie, l’Afrique, subjuguèrent l’Espagne, et, à force de combats et de victoires, menacèrent de donner des fers au monde entier. Tel fut l’effet de l’enthousiasme que Mahomet sut inspirer aux guerriers élevés à son école. Les grandes monarchies que formèrent ses successeurs se sont écroulées, parce que les talens ne se succèdent pas comme les rois ; mais les lois qu’il fit ont survécu à la ruine des empires. Tandis qu’enflammés par un zèle plus louable qu’éclairé, tant d’historiens nous peignent Mahomet comme un imbécile, depuis douze cents ans une partie de la terre révère sa mémoire, et suis aveuglément sa religion. Les sages d’entre les Orientaux qui, s’élevant au-dessus de la faible vue du vulgaire, lui refusent avec raison le titre de prophète, le regardent comme un des plus grands hommes qui aient existé. Une foule de faux prophètes qui ont voulu marcher sur ses traces sans avoir son génie et ses lumières, ont tous fait une chute plus ou moins éclatante à proportion de leurs talens. Tel est le portrait fidèle que l’histoire nous offre de Mahomet. Tous les traits qu’il présente sont fondés sur des faits ; et je les ai rassemblés avec impartialité.

Fin de la vie de Mahomet.
  1. Abul-Feda, page 133. Jannab, page 284.
  2. Mousa, fils d’Ocba.
  3. Jannab.
  4. Jannab.
  5. Ces deux esprits se nommaient Sohaik et Choraik, le frottant et le resplendissant. Le premier lui avait vendu un âne accoutumé à faire mille tours de souplesse. Le second faisait paraître des fantômes merveilleux et des spectres qui étonnaient la multitude. C’était ainsi que le devin Aswad en imposait par des prestiges aux faibles yeux du vulgaire.
  6. Elbokar.
  7. Abul-Feda, p. 134.
  8. Elbokar.
  9. Jannab.
  10. Eltabar.
  11. Idem.
  12. Abul-Feda, pages 102 et 136.
  13. Elsohaïl.
  14. Idem.
  15. Il est parlé de cet ange redoutable dans le Coran. « L’ange de la mort qui veille sur vos démarches, tranchera le fil de vos jours, et vous reparaîtrez devant Dieu. » Le Coran, chap. 32, tome 2.
  16. Le Coran, chap. 19, tome 2.
  17. Elsohaïl.
  18. Elbokar.
  19. Le Coran, chap. 39, tome 2.
  20. Le Coran, chap. 3, tome Ier.
  21. L’auteur du livre el Chasa.
  22. Ces débats ont donné occasion à des écrivains peu scrupuleux dans la recherche de la vérité, de dire que Mahomet avait son tombeau à la Mecque. Quant à l’opinion vulgaire qui place son corps dans un cercueil de fer suspendu en l’air par des pierres d’aimant attachées à la voûte du temple, elle doit le jour à quelques géographes qui n’ont jamais voyagé que dans leur cabinet. L’un et l’autre sentiment sont démentis par les auteurs qui ont été sur les lieux. Voyez Jannab, Abul-Feda, Abul-Faraj.

    Les Turcs que j’ai vus en Égypte m’ont tous confirmé la description que je viens de donner sur le témoignage de ces écrivains. Lorsque je leur racontais les fables que nous débitons au sujet de leur prophète, ils ne pouvaient s’empêcher de rire de notre crédulité.

  23. Abul-Feda.
  24. Abul-Feda, page 141.
  25. Jannab, page 303.
  26. Idem, page 304.
  27. Abul-Feda, page 144.
  28. Anas ben Malec.
  29. Abul-Feda. Jannab.
  30. Le Coran, chap. 33, tome 2.
  31. Idem, ibidem.