Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 199-208).
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LES ORDRES.


donné à la mecque, composé de 182 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


Jen jure par les ordres des anges ;

Par ceux qui menacent,

Par ceux qui lisent[1],

Votre Dieu est un Dieu unique.

Souverain du ciel, de la terre et de l’immensité de l’espace, il est le roi de l’orient[2].

Nous avons orné le ciel le plus proche de la terre de l’éclat des étoiles.

Nous l’avons mis à l’abri de l’attentat des esprits rebelles[3].

Ils n’entendront plus la voix des anges. Des traits enflammés les repoussent de toutes parts.

Ils sont dévoués à des peines éternelles.

Un d’eux s’approcha[4] furtivement des sphères célestes ; mais une flamme pénétrante l’en précipita.

Demande aux infidèles créés de boue, s’ils sont d’une nature supérieure à celle des anges.

Leur aveuglement te surprend, et ils rient de ton étonnement.

En vain tu veux les instruire. Leurs cœurs rejettent l’instruction.

S’ils voyaient des miracles, ils s’en moqueraient ;

Ils les attribueraient aux effets de la magie.

Victime de la mort, disent-ils, lorsque nous aurons été réduits en poussière, retournerons-nous à la vie ?

Nos pères ressusciteront-ils ?

Oui : ils ressusciteront, et vous serez couverts d’opprobre.

Un seul cri[5] les fera sortir de la tombe, et dessillera leurs yeux.

Malheur à nous, s’écrieront-ils, voilà le jour du jugement !

Le voilà, ce jour de la séparation dont vous aviez nié la réalité.

Rassemblez les méchans, leurs sectateurs et leurs idoles ;

Conduisez-les dans l’enfer ;

Arrêtez-les pour les examiner.

Pourquoi ne vous défendez-vous pas mutuellement ?

Aujourd’hui ils sont dans l’humiliation.

Réunis, ils se déchireront par des reproches.

Vous veniez à nous, diront-ils à leurs faux prophètes, avec l’apparence de la vérité.

Vous n’aviez point la foi, leur répondront ceux-ci ; nous n’avions aucune puissance sur vous ; mais vous viviez dans l’impiété.

Voilà l’accomplissement des menaces du Seigneur.

Égarés nous-mêmes, nous vous avons conduits à l’erreur.

Tous partageront les tourmens.

C’est ainsi que nous punissons les pervers.

Lorsqu’on leur prêchait l’unité de Dieu, ils se livraient à l’orgueil.

Abandonnerons-nous nos divinités, disaient-ils, pour un poëte insensé ?

Celui qu’ils traitaient ainsi, éclairés du flambeau de la vérité, est venu confirmer la mission des prophètes.

Et vous, vous serez la proie des supplices.

Ils seront le juste prix de vos œuvres.

Les vrais serviteurs de Dieu éprouveront un sort différent.

Ils auront une nourriture choisie,

Des fruits exquis[6], et ils seront servis avec honneur.

Les jardins de la volupté seront leur asile.

Pleins d’une bienveillance mutuelle, ils reposeront sur le lit nuptial.

On leur offrira des coupes remplies d’une eau pure,

Limpide, et d’un goût délicieux.

Elle n’offusquera point leur raison, et ne les rendra point insensés.

Près d’eux seront des vierges intactes. Leurs beaux yeux seront modestement baissés.

Ils se tourneront les uns vers les autres, et converseront ensemble.

Hôtes du paradis, dira l’un d’eux, j’étais lié avec un incrédule.

Crois-tu, me demanda-t-il, à la résurrection ?

Penses-tu qu’après notre mort, lorsque nos corps seront réduits en poussière, nous subirons un jugement ?

Voulez-vous que nous allions voir cet infidèle ?

Il se lèvera, et l’apercevra au milieu de l’enfer.

Ciel ! s’écriera-t-il, peu s’en est fallu qu’il ne m’ait entraîné dans sa ruine !

Si la miséricorde divine n’eût veillé sur moi, je serais réprouvé.

N’avons-nous pas subi la mort, répondront les bienheureux ?

Sans doute : nous avons payé le tribut à la nature, mais nous sommes exempts des supplices.

Le bonheur dont nous jouissons est sans mélange.

Mortels, travaillez pour le mériter.

Combien l’arbre zacoum[7] est différent du séjour d’Éden.

Nous l’avons planté pour le tourment des scélérats.

Il s’élève du fond de l’enfer.

Ses fruits ressemblent aux têtes des démons[8].

Ils seront la nourriture des réprouvés. Ils en rempliront leurs ventres ;

Ensuite on leur fera avaler de l’eau bouillante,

Et ils seront replongés dans leurs cachots.

Là, ils trouveront ceux de leurs pères qui ont vécu dans l’erreur.

Ils se sont empressés de marcher sur leurs traces.

La plupart des anciens peuples étaient plongés dans les ténèbres.

Nous leur envoyâmes des apôtres pour les instruire.

Vois quel est le sort de ceux qui ne voulurent pas les entendre.

Les vrais serviteurs de Dieu furent seuls épargnés.

Noé nous invoqua, et il fut exaucé.

Nous le délivrâmes, lui et sa famille, de leurs vives alarmes.

Nous établîmes sur la terre ses descendans, seuls restes du genre humain.

Nous avons rendu son nom fameux dans les annales de la postérité.

Tous les hommes béniront sa mémoire.

C’est ainsi que nous récompensons la vertu.

Noé fut notre adorateur fidèle.

Nous ensevelîmes dans les eaux le reste des mortels.

Abraham suivit la religion de Noé.

Il éleva vers le Seigneur les vœux d’un cœur sincère.

Quels sont les objets de votre culte, demanda-t-il à son père et au peuple ?

Séduits par le mensonge, adorerez-vous d’autres divinités que Dieu ?

Que pensez-vous du souverain de l’univers ?

Il porta ses regards vers les cieux,

Et dit : Je ne puis assister à vos fêtes.

Le peuple le quitta avec dédain.

Abraham se rendit en secret auprès de leurs idoles, et leur demanda : Pourquoi ne mangez-vous pas ?

Pourquoi gardez-vous le silence ?

Il s’approcha d’elles et les frappa.

Le peuple accourut à lui.

Adorerez-vous, leur dit-il, des dieux que vos mains ont sculptés ?

Dieu vous a créés, vous et vos idoles.

Formons un bûcher, crièrent les idolâtres, et jetons l’impie dans les flammes.

Ils voulurent le faire périr, mais nous anéantîmes leurs complots.

Je suivrai, dit Abraham, le Dieu qui m’éclaire.

Seigneur, donne-moi un enfant vertueux.

Nous lui annonçâmes un fils qui posséderait la sagesse.

Lorsqu’il fut parvenu à l’adolescence,

Abraham lui dit : O mon fils ! j’ai eu une vision. Il m’a semblé que je te sacrifiais. Vois quelle impression ma vision fait sur ton cœur.

Exécute ce que Dieu commande, répondit Isaac ; soumis à ses décrets, je souffrirai avec patience.

Ils allaient accomplir l’ordre du ciel ; déjà Isaac était couché le front contre terre[9].

Une voix céleste cria : Abraham !

Ta vision est accomplie ; c’est ainsi que nous récompensons la vertu.

Dieu a voulu t’éprouver.

Une hostie[10] racheta le sang de son fils.

La postérité célébrera son obéissance.

La paix soit avec Abraham !

C’est ainsi que nous récompensons la vertu.

Il fut notre adorateur fidèle.

Nous lui prédîmes qu’Isaac serait un prophète distingué.

Nous répandîmes notre bénédiction sur lui et sur son fils. Parmi leurs descendans, les uns ont fait fleurir la vertu, les autres se sont livrés à l’iniquité.

Nous comblâmes de biens Moïse et Aaron.

Nous les délivrâmes, eux et les Israélites, de l’oppression.

Notre protection puissante les rendit victorieux.

Nous leur donnâmes le livre des lois divines.

Nous les guidâmes dans les voies de la justice.

La postérité célébrera leurs noms fameux.

La paix soit avec Moïse et Aaron !

C’est ainsi que nous récompensons la vertu.

Ils furent tous deux nos adorateurs fidèles.

Élie fut un des messagers de la foi.

Ne craindrez-vous point le Seigneur, répétait-il aux Hébreux ?

Invoquerez-vous Baal, tandis que vous abandonnez le Créateur suprême ?

Il est votre Dieu ; il est le Dieu de vos pères.

Destinés au feu de l’enfer, ils accusèrent Élie d’imposture.

Nos vrais serviteurs écoutèrent seuls sa doctrine.

Le nom d’Élie sera fameux chez la race future.

La paix soit avec Élie !

C’est ainsi que nous récompensons la vertu.

Élie fut notre adorateur fidèle.

Nous choisîmes Loth pour être un des messagers de la foi.

Nous le sauvâmes avec sa famille.

Son épouse seule augmenta le nombre des victimes.

Nous exterminâmes ses concitoyens.

Lorsque vous passez près des ruines de Sodôme, en partant le matin,

Ou dans la nuit, n’ouvrez-vous point les yeux ?

Jonas, élu ministre du Seigneur,

Alla se cacher au fond d’un navire.

On jeta le sort, et il fut au nombre des infortunés.

Un poisson l’avala, parce qu’il était coupable ;

Et s’il n’avait loué l’Éternel,

Il aurait demeuré dans cette prison jusqu’au jour du jugement.

Le poisson qui l’engloutit le déposa sur le sable, accablé de peines.

Nous fîmes croître un arbre pour lui servir d’ombrage.

Nous l’envoyâmes vers une cité qui contenait plus de cent mille habitans.

Ils crurent à ses prédications, et nous les laissâmes accomplir le terme de leurs jours.

Demande aux impies si Dieu a des filles, comme ils ont des fils.

Aurions-nous créé les anges femelles ? Ils savent le contraire.

Leurs discours ne sont appuyés que sur le mensonge.

Ils assurent que Dieu a enfanté, et ils blasphèment.

Aurait-il préféré des filles à des fils ?

Qui peut vous faire porter ce jugement ?

N’ouvrirez-vous jamais les yeux ?

Avez-vous une autorité incontestable ?

Apportez votre livre, si votre opinion est vraie.

Les impies prétendent que Dieu a eu commerce avec les anges, et les anges savent que les impies seront la proie des flammes.

Louange à l’Éternel ! Loin de lui leurs blasphèmes.

Ses fidèles serviteurs ont seuls droit de parler de lui.

Ni vous ni vos dieux,

Ne deviez adopter cette opinion sacrilége.

Elle n’est faite que pour celui qui est destiné aux brasiers de l’enfer.

Nous avons tous nos rangs marqués.

Nous sommes partagés en différens chœurs.

Notre emploi est de louer le Tout-Puissant.

Les impies ont dit :

Si nos pères nous eussent laissé un livre pour nous instruire,

Nous serions les vrais adorateurs de Dieu.

Ils ont nié le Coran. Ils verront.

Lorsque nous envoyâmes nos apôtres aux nations,

Nous leur promîmes notre protection,

Nous leur assurâmes que nos armées seraient victorieuses.

Éloignez-vous des infidèles jusqu’au temps.

Considère-les. Un jour leurs yeux seront dessillés.

Veulent-ils hâter nos vengeances ?

Lorsque l’heure sonnera à leur porte, leur réveil sera funeste.

Fuis-les jusqu’au jour marqué.

Vois. Bientôt ils verront.

Louange à Dieu ! Louange au Dieu puissant ! Loin de lui leurs mensonges.

La paix soit avec les ministres du Seigneur !

Gloire à Dieu souverain des mondes !


  1. Ce sont les anges qui lisent le Coran. Gelaleddin.
  2. Les Mahométans croient à la pluralité des mondes, et en comptent trois cent soixante. Cottada.
  3. Avant la naissance de Mahomet, les démons, comme nous l’avons déjà dit, prenaient leur essor dans les sphères célestes, écoutaient les discours de Dieu et des anges, et les rapportaient aux mages et aux devins ; mais à l’instant où Mahomet vint au monde, Dieu les chassa avec des traits de feu, et il ne leur est plus permis de pénétrer dans les cieux. Tel est le sentiment des docteurs musulmans.
  4. Malgré ces traits de feu, Satan s’éleva jusqu’aux sphères célestes, et saisit avidement quelques discours échappés aux anges ; mais il en fut aussitôt précipité. Gelaleddin.
  5. Ce cri sera le dernier son de la trompette. Jahia.
  6. Les hôtes du paradis mangeront de ces fruits exquis pour leur plaisir et non pour conserver leur santé. Doués de corps immortels, ils n’auront aucun besoin de préservatifs contre la maladie. Gelaleddin.
  7. L’arbre zacoum est préparé pour le tourment des damnés. Aucun des arbres du désert ne produit des fruits aussi amers. Gelaleddin.
  8. C’est-à-dire, à des serpens horribles. Gelaleddin.
  9. Isaac était couché le front contre terre. Abraham avait le couteau levé. Il allait frapper : Le ciel l’arrêta. Gelaleddin.
  10. Cette hostie fut le bélier du Paradis Terrestre. Habel l’avait offert à Dieu. Gabriel l’amena à Abraham qui l’immola en action de grâces. Gelaleddin.