CHAPITRE PREMIER. SÉVÉRITÉ DE DIEU MANIFESTÉE PAR LA DESTRUCTION DU PEUPLE JUIF. SA BONTÉ DANS LA VOCATION DES GENTILS. L’AVEUGLEMENT DES JUIFS CONDAMNÉ PAR LES TEXTES DE L’ANCIEN TESTAMENT.
modifier1. Le bienheureux apôtre Paul, docteur des Gentils dans la foi et la vérité, nous exhorte à demeurer stables et fermes dans une même croyance, dans la croyance dont il s’est montré le fidèle ministre : en cela, il nous donne un précepte qu’il confirme par un exemple capable de nous effrayer. « Tu vois », nous dit-il, « la sévérité et la bonté de Dieu : sa sévérité envers ceux qui sont tombés ; et sa bonté envers toi, si toutefois tu demeures ferme dans cette même bonté ». Il est sûr, qu’en s’exprimant ainsi, il a voulu parler des Juifs pareils aux branches d’olivier, violemment arrachées d’une souche fertile, ils ont été séparés de leurs saints patriarches en raison de leur infidélité : afin que les Gentils fussent, à cause de leur foi, comme un olivier sauvage, greffé sur un olivier fertile, et devinssent participants de la sève à la place des branches naturelles qui en ont été privées.« Mais », dit-il encore, « garde-toi de t’élever par présomption, contre les branches naturelles car, si tu penses t’élever au-dessus d’elles, considère que ce n’est pas toi qui portes la racine, n mais que c’est la racine qui te porte ». Et parce que quelques-uns d’entre les Juifs arrivent au salut, il ajoute : « Autrement, tu seras toi-même retranché comme eux : pour eux, s’ils ne demeurent pas dans leur infidélité, ils seront greffés sur la tige, car Dieu est tout-puissant pour les y enter de nouveau (1) ». A ceux, au contraire, qui persévèrent dans le mal, s’adresse cette sentence prononcée par l’Eternel : « Les enfants de ce royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures ; là sera le pleur et le grincement de dents ». Mais aux nations qui persévèrent dans le bien, s’applique ce qui est dit auparavant : « Plusieurs viendront d’orient et d’occident, et prendront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob (1) ». Ainsi, par une juste sévérité de la part de Dieu, l’orgueilleuse infidélité des branches naturelles leur a-t-elle mérité d’être séparées de leur racine, c’est-à-dire des patriarches, tandis que la grâce divine a greffé l’olivier sauvage sur cette racine en récompense de son humble fidélité.
2. Quand on cite aux Juifs ces passages, ils méprisent à la fois l’Evangile et l’Apôtre : ce que nous leur disons, ils ne l’entendent pas, parce qu’ils ne comprennent point ce qu’ils lisent ; car, évidemment, s’ils savaient de qui le Prophète a voulu parler en ce passage
« Je l’ai établi pour être la lumière des nations et le salut que j’envoie jusqu’aux extrémités de la terre (2) », ils ne seraient ni assez aveugles, ni assez malades pour ne pas reconnaître, dans le Seigneur Jésus, la lumière et le salut. Si encore ils comprenaient à quels hommes s’applique ce verset prophétique qu’ils chantent inutilement et sans profit pour eux : « Leur voix a éclaté dans toute la terre, et leurs paroles se font entendre jusqu’aux extrémités du monde (3) » ; ils s’éveilleraient à la voix des apôtres : et verraient que leur parole vient de Dieu. Invoquons donc le témoignage des saintes Ecritures, car elles jouissent, aussi chez eux, d’une grande autorité, et si nous ne pouvons les guérir de leur infidélité en leur offrant ce moyen de salut, nous les convaincrons du moins d’erreur par l’évidence de la vérité.
CHAPITRE II. LES LIVRES DE L’ANCIEN TESTAMENT NOUS CONCERNENT : NOUS EN OBSERVONS MIEUX LES PRÉCEPTES QUE LES JUIFS.
modifier3. Nous devons d’abord réfuter une erreur commune parmi les Juifs : à les entendre, les livres de l’Ancien Testament ne nous concerneraient en aucune manière, puisque nous observons, non les anciens.rites, mais des rites nouveaux. A quoi vous sert la lecture de la Loi et des Prophètes, puisque vous ne voulez point en observer les préceptes ? Voilà ce qu’ils nous disent, parce que nous ne pratiquons pas la circoncision du prépuce sur les enfants mâles ; parce que nous mangeons des viandes déclarées immondes par la Loi ; parce que nous n’observons point, d’une manière charnelle, leurs sabbats, leurs néoménies, et leurs jours de fêtes ; parce que nous n’immolons à Dieu aucune victime tirée de nos troupeaux, et que nous ne célébrons point la pâque avec un agneau et des pains azymes ; parce qu’enfin nous négligeons d’autres anciens rites, que l’Apôtre désigne sous le nom générique d’ombres des choses futures. Saint Paul les appelait ainsi, car, de leur temps, ils annonçaient la révélation -des mystères à la connaissance desquels nous avons été appelés, afin que, dégagés des ombres anciennes, nous jouissions de leur pure lumière. Il serait trop long d’engager avec eux une discussion sur chacun de ces points en particulier,de leur faire comprendre comment, en nous dépouillant du vieil homme, nous pratiquons la circoncision sans nous dépouiller de la chair de notre corps ; de leur dire que nous apportons, dans nos mœurs, la sévérité qu’ils apportent dans le choix de leurs viandes : en un mot, de leur montrer que nous offrons nos corps à Dieu, comme une hostie vivante, sainte et agréable ; qu’au lieu du sang des brutes, nous répandons nos âmes intelligentes en de saints désirs, et que nous sommes purifiés de toute souillure par le sang de Jésus-Christ, comme par le sang d’un agneau sans tache. A cause de la ressemblance de son corps avec un corps de péché, le Sauveur a été figuré parles boucs des anciens sacrifices, et celui qui reconnaît en sa personne la plus grande victime, ne fait point difficulté, en face des branches de la croix, de le considérer comme le taureau de la loi mosaïque. Trouvant en lui notre repos, nous observons véritablement le sabbat, et pour nous la célébration de la nouvelle lune n’est autre chose que la sanctification d’une vie nouvelle : notre pâque, c’est le Christ ; la sincérité et la vérité, voilà nos azymes ; le vieux levain ne s’y trouve pas, et s’il y a d’autres mystères figurés par les présages antiques, nous ne nous arrêterons pas maintenant à les expliquer ; cela est inutile : nous nous bornerons donc à dire qu’ils ont eu leur perfection en Jésus-Christ, dont le règne n’aura pas de fin. Toutes choses devaient, en effet, se trouver accomplies en Celui qui est venu, non pour détruire la Loi et les Prophètes, mais pour les accomplir (1).
CHAPITRE III. JÉSUS-CHRIST N’A POINT ABOLI LA LOI EN RAISONNANT : IL L’A CHANGÉE EN L’ACCOMPLISSANT. LE CHANGEMENT DES RITES ANCIENS A ÉTÉ PRÉDIT DANS LES PSAUMES.
modifier4. Jésus-Christ n’a point aboli par le raisonnement les anciens signes des choses futures, mais il les a changés en faisant ce qu’ils prédisaient : car il voulait, pour annoncer que le Christ était déjà venu, des rites différents de ceux qui annonçaient sa venue future. Mais que signifie ce titre : « Pour ce qui doit être changé », placé en tête de certains psaumes que les Juifs ont entre les mains, auxquels ils reconnaissent l’autorité des saintes lettres ? (Le texte de ces mêmes psaumes a trait au Christ.) Evidemment il annonce le changement futur par le Christ de rites que nous savons aujourd’hui, parce que nous le voyons, avoir été changés par lui. De cette manière, le peuple dé Dieu, qui est maintenant le peuple chrétien, n’est point obligé d’observer les lois des temps prophétiques, non qu’elles aient été condamnées, mais parce qu’elles ont subi une transformation. Les mystères prédits par les anciens rites ne devaient point non plus disparaître, mais il fallait que les signes de ces mystères fussent appropriés aux époques diverses auxquelles ils étaient destinés.
CHAPITRE IV. LE CHRIST ANNONCÉ DANS LE PSAUME QUARANTE-QUATRIÈME.
modifier5. Le quarante-quatrième psaume est le premier de ceux à la tête desquels on lit ce titre : « Pour ce qui doit être changé », et ces autres paroles : « Cantique pour le bien-aimé ». Le Christ s’y trouve très-clairement désigné
« Il est le plus beau des enfants des hommes ayant la forme et la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de se dire égal à Dieu ». On lui dit dans ce psaume : « Ceignez-vous de votre épée et placez-la sur votre cuisse », parce qu’il devait s’incarner pour parler aux hommes. En effet, sous le nom d’épée on désigne le discours, et sous celui de cuisse, la nature humaine, car « il s’est anéanti en prenant la forme d’un esclave », afin « qu’étant », par sa divinité, « le plus beau des enfants des hommes », il devînt, par sa faiblesse, celui dont. un autre prophète a dit : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni beauté ni éclat : son visage était abject, et son maintien sans dignité (1) ». Dans le même psaume, le Christ nous apparaît positivement, non-seulement comme homme, mais aussi comme Dieu, car le Prophète ajoute : . « Votre trône, ô mon Dieu, est un trône éternel : le sceptre de votre royauté est un sceptre d’équité ; vous aimez la justice et vous haïssez l’iniquité ; c’est pour cela, ô mon Dieu, que votre Dieu a répandu sur vous l’onction de la joie, et vous a élevé au-dessus de tous ceux qui doivent participer à votre gloire ». Le Christ est ainsi nominé de cette onction, que le grec traduit par le mot ???sµa : « il est Dieu, et il a reçu de Dieu son onction ; et comme tous les autres rites charnels, elle a été transformée par lui en un rite spirituel. Le Psalmiste qui parle encore de son Église : « La reine s’est assise à votre droite, vêtue d’ornements précieux » : par où il indique la variété des langues au sein de toutes les nations unies, cependant par les liens d’une même foi, simple et intérieure, car « la véritable gloire de la fille du roi est intérieure ». Puis, s’adressant à cette Église, le Prophète lui dit : « Ecoutez, ma fille, et voyez » : écoutez la promesse, voyez-en l’accomplissement. « Et oubliez votre peuple-ci et la maison de votre père ». Ainsi s’accomplissent de nouvelles choses : ainsi se transforment les anciennes. « Parce que le roi a été charmé de votre beauté ». La beauté qu’il a créée par lui-même, il ne l’a pas rencontrée en vous : comment, en effet, auriez-vous pu apparaître belle à ses yeux, quand vous portiez sur vous la souillure de vos péchés ? Mais- n’allez pas le croire : votre espérance ne s’appuiera point sur un homme, « parce que », ajoute-t-il encore, « il est lui-même le Seigneur votre Dieu ». Ne méprisez pas la forme d’esclave : ne tournez en dérision, ni la faiblesse du Tout-Puissant, ni l’humilité du Très-Haut, car « il est votre Dieu ». Sous les apparences de la petitesse se cache la grandeur ; dans les ombres de la mort, le soleil de justice ; au milieu des abaissements de la croix, le Roi de gloire. Que ses persécuteurs le fassent mourir, qu’il soit méconnu des infidèles, « il n’en est pas moins le Seigneur votre Dieu » : par son incarnation, il substitue la réalité aux antiques figures.
CHAPITRE V. LA TRANSFORMATION DES ANCIENS RITES PRÉDITE AUSSI PAR LE TITRE DU SOIXANTE- HUITIÈME PSAUME, OU LE PROPHÈTE A PARLÉ DE LA PASSION DE JÉSUS-CHRIST.
modifier6. Le psaume soixante-huitième porte encore ce titre : « Pour ce qui doit être changé ». Le Prophète y chante la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et met dans la bouche du Sauveur certaines paroles de ses membres, c’est-à-dire, de ses disciples. Le Christ n’a lui-même commis aucun péché, mais il a supporté le fardeau des nôtres ; c’est pourquoi il est dit : « Et mes péchés ne sont point cachés à vos yeux ». Nous trouvons écrit et annoncé d’avance, dans ce psaume, un fait rapporté dans l’Evangile (1) : « Ils m’ont donné du fiel en guise de nourriture, et, pour étancher ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre ». Suivant la prédiction énoncée au titre du psaume, Jésus-Christ a donc transformé ce qui était ancien. Les Juifs lisent ces passages et ne les comprennent pas : aussi croient-ils nous causer de l’embarras, en nous demandant comment nous pouvons reconnaître l’autorité de la Loi et des Prophètes, dès lors que nous ne pratiquons pas les rites qu’ils nous ont prescrits. Nous n’observons pas ces rites, parce qu’ils. ont été changés : ils ont été changés, parce que leur transformation a été prédite, et nous croyons en Celui qui les a transformés par sa venue en ce monde. Si donc nous n’observons pas les rites : prescrits par la Loi et les Prophètes, c’est que nous comprenons ce qu’ils ont prédit, c’est que nous possédons la réalité de ce qu’ils ont promis. Pour les Juifs, qui nous adressent ces reproches, ils doivent à leurs ancêtres de participer encore à l’amertume du fiel donné par eux en nourriture au Seigneur ; ils se ressentent encore de l’âcreté du vinaigre qu’ils ont offert au Christ pour apaiser sa soif : ils ne comprennent pas ces choses, car en eux se vérifie cet autre passage du Psalmiste : « Que leur table soit devant eux comme un filet ; qu’elle leur soit une juste rétribution, une pierre de scandale ». En abreuvant le pain vivant de fiel et de vinaigre, ils se sont eux-mêmes saturés d’âcreté et d’amertume. Comment donc saisiraient-ils le sens d’une prophétie qui prononce contre eux cette sentence : « Que leurs yeux soient aveuglés pour qu’ils ne voient point ? » Comment pourraient-ils se tenir droits, de manière à élever leurs cœurs vers Dieu, eux dont il a été prédit : « Faites que leur dos soit toujours courbé ? » Ces paroles n’ont pas été prononcées contre eux tous, mais elles l’ont.été contre tous ceux auxquels s’applique ce qui a été prédit. Elles ne concernent point ceux d’entre eux qui ont cru alors en Jésus-Christ, ni ceux qui croient en lui aujourd’hui, ni ceux qui y croiront depuis ce jour jusqu’à la fin des siècles : elles ne s’appliquent aucunement au vrai peuple d’Israël, c’est-à-dire, à ce peuple qui verra le Seigneur face à face : « Car tous ceux qui descendent d’Israël, ne sont pas pour cela Israélites, et tous ceux qui sont de la race d’Abraham, ne sont pas pour cela ses enfants : mais Dieu lui dit : C’est d’Isaac que sortira la race qui doit porter ton nom, c’est-à-dire, ceux qui sont enfants d’Abraham selon la chair, ne sont pas pour cela enfants de Dieu : mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés être les enfants d’Abraham (1) ». Au contraire, ces Juifs appartiennent à la Jérusalem spirituelle et aux villes de Juda, c’est-à-dire à l’Église ; c’est d’eux que parlait l’Apôtre quand il disait : « Les églises de Judée qui croyaient en Jésus-Christ, ne me connaissaient pas de visage (2) ». Car, selon ce qui est écrit dans la suite du même psaume, « Dieu sauvera Sion, et, les villes de Juda seront bâties de nouveau, et ils y demeureront, après qu’ils l’auront acquise comme leur héritage, et la race de ses serviteurs la possédera, et ceux qui aiment son nom, y établiront leur demeure ». Mais lorsque les Juifs lisent ces paroles, ils les entendent dans un sens charnel : ils pensent à la Jérusalem d’ici-bas, qui est esclave avec ses enfants, et non point à la Jérusalem éternelle et céleste, qui est notre mère (1).
CHAPITRE VI. LE TITRE DU PSAUME SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME PRÉDIT ENCORE LA TRANSFORMATION DES ANCIENS RITES : CETTE TRANSFORMATION FUTURE EST PROUVÉE CONTRE LES JUIFS PAR DES TÉMOIGNAGES PLUS ÉCLATANTS.
modifier7. Le psaume soixante-dix-neuvième porte, comme le quarantième et le soixante-huitième, ce titre : « Pour ce qui doit être changé ». Entre autres passages, on y lit celui-ci : « Regardez du haut du ciel, et voyez, et visitez cette vigne : donnez la perfection à celle que votre droite a plantée, et jetez les yeux sur le Fils de l’homme, que vous avez affermi pour vous ». Cette vigne est évidemment celle dont il est dit : « Vous avez transporté votre vigne de l’Égypte » ; car le Christ n’a point planté une vigne autre que celle-là, mais en venant sur la terre, il l’a changée et rendue plus parfaite. C’est pourquoi on lit aussi dans l’Evangile : « Il fera périr misérablement ces méchants, et il louera sa vigne à d’autres vignerons (2) ». En effet, l’Evangéliste ne dit pas : Il l’arrachera et en plantera une autre, mais : Il louera cette même vigne à d’autres vignerons. La cité de Dieu se compose de la société des saints ; c’est la réunion des enfants de la promesse : ils disparaissent tour à tour emportés par la mort, mais leur passage successif ici-bas la conduira à sa perfection, et, à la fin des siècles, elle recevra en même temps, dans chacun d’eux, l’immortalité que le Seigneur lui réserve. Dans un autre passage, la cité de Dieu nous est représentée, d’une manière différente, sous l’emblème d’un olivier fertile, et le Psalmiste lui prête ce langage : « Pour moi, je serai dans la maison du Seigneur comme un olivier qui porte du fruit, parce que j’ai mis toute mon espérance dans la ; miséricorde de Dieu pour l’éternité, et pour tous les siècles des siècles (1) ». Si des rameaux infidèles, orgueilleux, et, par là même, stériles, ont été arrachés du tronc pour permettre à l’olivier sauvage, c’est-à-dire aux Gentils, d’y être greffé à leur place, ce n’est point une raison pour que la racine de l’arbre, c’est-à-dire des patriarches et des prophètes, ait pu se dessécher ; « parce que », dit Isaïe, « quand le nombre des enfants d’Israël égalerait celui des grains de sable, de la mer, un petit reste sera sauvé (2) », mais par celui dont il est dit une première fois : « Et sur le Fils de l’homme que vous avez affermi pour vous » ; et, une seconde fois : « Que votre main s’étende sur l’homme de votre droite et sur le Fils de l’homme que vous avez affermi pour vous, et nous ne nous éloignerons plus de vous ». Ce Fils de l’homme, qui est Jésus-Christ, rend parfaite la vigne sainte, en y adjoignant son petit reste, les, Apôtres, et les autres hommes d’entre les Israélites, qui ont cru, en grand nombre, au Christ-Dieu, puis la plénitude des nations : il a écarté les anciens rites, leur en a substitué de nouveaux, et ainsi se trouve vérifié le titre de ce psaume : « Pour ce qui doit être changé ».
8. Nous allons donc apporter aux Juifs des témoignages plus éclatants, et dont ils sentiront, bon gré, mal gré, toute la force. « Le temps vient », dit le Seigneur, « ou je confirmerai mon alliance avec la maison de Jacob : non selon l’alliance que j’ai faite avec leurs pères au jour où je les pris par la main pour les faire sortir de l’Égypte (3) ». La prédiction est certaine : elle n’est plus renfermée en des titres de psaumes dont l’intelligence n’est à la portée que d’un petit nombre ; tous peuvent entendre et comprendre cette voix prophétique. Une alliance nouvelle a été promise : elle devait être toute différente de celle qui avait été contractée avec le peuple d’Israël, lors de sa sortie d’Égypte. Nous appartenons à cette nouvelle alliance et elle ne nous force point d’observer les rites prescrits sous l’empire de l’ancienne : au lieu de nous reprocher l’abandon de l’antique Testament, à nous qui possédons le Nouveau promis à nos pères, pourquoi les Juifs ne reconnaissent-ils pas qu’ils sont demeurés les observateurs d’un culte devenu caduc et inutile ? Aussi, puisque, suivant ce qui est écrit au Cantique des cantiques, « le jour commence à luire, et que les ombres se dissipent (1) », le sens spirituel doit briller de tout son éclat ; le culte charnel doit finir. « Le Seigneur, Dieu des dieux, a parlé, et il a appelé la terre depuis le lever du soleil jusqu’à son couchant ». Oui, il a appelé toute la terre à une nouvelle alliance, cette terre à laquelle le Psalmiste dit ailleurs : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; que toute la terre chante au Seigneur ». Dieu n’a donc point parlé comme il a fait autrefois du haut du Sinaï : alors il ne s’adressait qu’à un seul peuple d’Israël, appelé par lui du pays d’Égypte : depuis, il a appelé toute la terre à partir du lever du soleil jusqu’à son couchant. Si les Juifs voulaient comprendre cette parole du Seigneur, ils entendraient son appel et il s’en trouverait, parmi eux, à qui s’appliqueraient ces autres paroles du même psaume : « Ecoutez, mon peuple, et je vous parlerai : Israël, écoutez-moi, et je vous attesterai la vérité moi, Dieu, je suis votre Dieu. Je ne vous reprendrai point pour vos sacrifices, car vos holocaustes sont toujours devant moi. Je n’ai pas besoin de prendre des veaux de votre maison, ni des boucs de vos troupeaux, parce que toutes les bêtes des forêts m’appartiennent, aussi bien que celles qui sont répandues sur les montagnes, et les bœufs : je connais tous les oiseaux du ciel, et la beauté des champs est en ma puissance. Si j’ai faim, je ne vous le dirai pas, puisque toute la terre est à moi avec tout ce qu’elle renferme. Est-ce que je mangerai la chair des taureaux, ou boirai-je le sang des boucs ? Immolez à Dieu un sacrifice de louanges, et rendez vos veaux au Très-Haut ; invoquez-moi au jour de l’affliction, et je vous en délivrerai, et vous m’honorerez ». Ici, la transformation des sacrifices anciens est d’une évidence incontestable, car Dieu annonce qu’il ne les acceptera plus, et il impose à ses adorateurs un sacrifice de louanges : non pas, qu’en cela, il nous demande nos hommages comme s’il en avait besoin, mais parce qu’il veut faire servir à notre salut les louanges que nous lui adresserons, car voici la conclusion du psaume précité : « Le sacrifice de louange m’honorera, et c’est la voie par laquelle je lui montrerai le salut qui vient de Dieu ». Mais quel est le salut de Dieu, sinon le Fils de Dieu, le Sauveur du monde, le jour, Fils du jour Père, c’est-à-dire, la lumière de la lumière, dont la venue en ce monde a inauguré la nouvelle alliance ? Voilà pourquoi encore, immédiatement après ces paroles : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; que toute la terre chante au Seigneur ; bénissez son saint nom », le Prophète déclare que le Sauveur sera bientôt annoncé ; puis il ajoute : « Annoncez le jour issu du jour, son Salut (1) ». Prêtre et victime tout ensemble,. Jésus-Christ a donc offert le sacrifice de louange, accordant aux méchants le pardon de leurs fautes, et aux bons la grâce de bien faire. Pour adorer Dieu, on lui offre le sacrifice de louange, « afin que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (2) ».
CHAPITRE VII. LES JUIFS INTERPRÈTENT FAUSSEMENT EN LEUR FAVEUR CERTAINES PROPHÉTIES. ORACLES PROPHÉTIQUES LES PLUS DÉFAVORABLES AUX JUIFS.
modifier9. Dès que les Juifs entendent les passages précités des psaumes, ils relèvent la tête et répondent : Nous voilà : c’est de nous qu’il est question dans ces psaumes ; c’est à nous que le Psalmiste a parlé, car nous sommes Israël, le peuple de Dieu ; nous nous reconnaissons dans ces paroles du Prophète : « Ecoutez, mon peuple, et je vous parlerai : Israël, écoutez-moi, et je vous attesterai la vérité ». A cela que pouvons-nous répondre ? Nous connaissons, il est vrai un Israël spirituel dont parle l’Apôtre quand il dit : « Et tous ceux qui se conduiront selon cette règle, la paix et la miséricorde à eux et à l’Israël de Dieu (3) ». Pour cet Israël, dont le même Apôtre nous dit : « Considérez les Israélites selon la chair (4) », nous savons qu’il est charnel. Mais les Juifs ne le comprennent pas, et par là ils se donnent à eux-mêmes la preuve qu’ils sont charnels. Entretenons-les quelques instants, comme s’ils étaient présents.
Est-il possible que vous apparteniez à ce peuple que le Dieu des dieux a appelé depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ? N’êtes-vous pas venus d’Égypte dans la terre de Chanaan ? Vous n’avez pas été appelés des pays qui sont au levant et au couchant, mais vous êtes venus d’Égypte pour vous disperser en Orient et en Occident. N’êtes-vous pas plutôt du nombre des ennemis de celui qui a dit dans le psaume : « Mon Dieu m’a fait voir la manière dont il veut traiter mes ennemis : ne les faites pas mourir, de peur qu’on n’oublie votre loi : dispersez-les par votre puissance (1) ». C’est pourquoi n’oubliant pas la loi. de Dieu, vous la portez partout comme un enseignement pour les Gentils, et un opprobre pour vous : vous ne la connaissez pas, et vous la transmettez au peuple, qui a été appelé depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher. Le nierez-vous ? Si vous ne voyez point le manifeste et indubitable accomplissement d’une prédiction si autorisée, à quoi le devez-vous, sinon à un aveuglement plus complet ? Et si, le voyant, vous ne l’avouez pas, n’est-ce point le fait d’une rare impudence ? Que répondrez-vous donc à ce passage du prophète Isaïe : « Dans les derniers temps, la montagne sur laquelle se bâtira la maison du Seigneur, sera fondée sur le haut des monts, et elle s’élèvera au-dessus des collines ; toutes les nations y accourront en foule, en disant : Allons, montons à la montagne du Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob : il nous enseignera la voie du salut, et nous y marcherons, parce que la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur de Jérusalem (2) ». Parce que vous avez entendu le prophète parler de la maison de Jacob, de Sion, et de Jérusalem, répondrez-vous : Nous voilà ? Mais nous ne nions point que la race de Jacob soit la source d’où est sorti, selon la chair, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qu’Isaïe a désigné sous l’emblème d’une montagne placée sur la cime des monts, parce que sa grandeur surpasse toutes les grandeurs : nous l’avouons, les apôtres et les églises de Judée, qui ont cru en Jésus-Christ aussitôt après sa résurrection, appartiennent à la maison de Jacob : on ne doit voir spirituellement en Jacob que le peuple chrétien ; quoique d’origine plus nouvelle que le peuple juif, il le surpasse néanmoins en grandissant et il le subjugue : et ainsi se trouve accompli ce qui a été figurativement prédit des deux fils d’Isaac : « L’aîné sera assujéti au plus jeune (3) ». Dans le sens spirituel, Sion et Jérusalem servent à désigner l’Église : cependant ces deux noms servent plus encore à porter contre les Juifs un témoignage écrasant, car là ils ont crucifié le Sauveur, et c’est de là que se sont répandues, parmi les peuples, la loi et la parole de Dieu. La loi qui leur a été donnée par Moïse, cette loi dont ils se glorifient si orgueilleusement, et d’où ils tirent leur plus formelle condamnation, ne leur est, tout le monde le sait, venue ni de Sion, ni de Jérusalem, mais de la montagne du Sinaï : ils l’avaient reçue depuis quarante ans, et ils l’apportèrent avec eux lorsqu’ils entrèrent dans la terre promise, où se trouve Sion, aussi nommée Jérusalem. Ce n’est donc ni là, ni de là qu’ils l’ont reçue, et il est hors de doute que Sion a été le berceau de l’Evangile de Jésus-Christ et de la loi de foi. Après sa résurrection, le Sauveur lui-même, parlant à ses disciples et leur montrant que toutes les prophéties contenues dans les divines Ecritures, s’étaient accomplies en sa personne, dit aussi : « C’est ainsi qu’il est écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations,. en commençant par Jérusalem (1) ». Isaïe l’avait déjà annoncé par ces paroles : « De Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur ». Car le Saint-Esprit descendit à Jérusalem sur tous ceux qui étaient enfermés ensemble dans le Cénacle, les remplit de sa vertu, et leur donna de parler les langues de toutes les nations (2) : et ils en sortirent pour prêcher et faire connaître l’Evangile à tous les peuples. De même, en effet, que le cinquantième jour après la célébration de la pâque, le Seigneur a écrit de sa propre main, emblème du Saint-Esprit, la loi Mosaïque promulguée sur le mont Sinaï : ainsi, le cinquantième jour après la véritable pâque, c’est-à-dire, après la passion et la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’Esprit-Saint a écrit, non sur des tables de pierre, mais dans le cœur des évangélistes, la loi chrétienne qui nous est venue de Sion et de Jérusalem : car en ce jour fut envoyé l’Esprit-Saint promis auparavant.
10. O Israélites selon la chair, marchez maintenant, non pas selon l’Esprit : allez maintenant, et continuez à être en contradiction avec la plus éclatante vérité, et en entendant cette invitation du Prophète : « Venez, montons à la montagne du Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob » ; dites : C’est nous, afin que vous vous heurtiez contre cette montagne, et qu’après vous être meurtri le visage, vous brisiez plus honteusement votre front. Si vous voulez dire en toute vérité : C’est nous ; dites-le, quand vous entendrez ces mots : « Il a été conduit à la mort, à cause des iniquités de mon peuple (1) ». Ces paroles ont été dites du Christ, que vous avez vous-mêmes conduit à la mort dans la personne de vos pères : il a été conduit, comme une brebis, au sacrifice ; ainsi par votre cruauté ignorante, vous donniez une réalité à la pâque que vous célébrez sans savoir pourquoi. Si vous voulez dire en toute vérité : C’est nous ; dites-le, quand vous entendez ces mots : « Endurcissez le cœur de ce peuple ; bouchez ses oreilles et fermez ses yeux (2) ». Dites : C’est nous ; quand vous entendez ce passage : « J’ai étendu mes mains pendant tout le jour vers un peuple incrédule et ennemi (3) ». Dites : C’est nous ; quand vous entendrez ces paroles : « Que leurs yeux soient tellement obscurcis qu’ils ne voient point, et faites que leur dos soit toujours courbé (4) ». Quand vous entendez ces accents prophétiques et ceux qui leur ressemblent, dites : C’est nous. On, ne peut en douter : il y est question de vous ; mais vous poussez l’aveuglement jusqu’à vous reconnaître là où il ne s’agit pas de vous, et de vous méconnaître là où l’on vous désigne ouvertement.
CHAPITRE VIII. ISAÏE A PRÉDIT QUE DIEU ABANDONNERAIT LES JUIFS.
modifier11. Mais veuillez porter, pendant quelques instants, votre attention sur des passages plus précis que je vais vous citer. Lorsque vous entendez parler du bon Israël, vous dites C’est nous ; quand il est question du bon Jacob, vous dites encore : Nous voilà. Et si l’on vous en demande la raison, vous répondez c’est que le patriarche, de qui nous descendons, s’appelait indifféremment Jacob et Israël voilà pourquoi on nous désigne avec justice par le nom de notre père. Vous êtes plongés dans un lourd et profond sommeil ; aussi ne voulons-nous point vous insinuer des choses spirituelles qui dépassent les limites de votre intelligence. Nous ne prétendons point maintenant vous apprendre le sens spirituel de ces deux mots, à cause de votre surdité et de votre cécité d’âme. Comme vous l’avouez, en effet, et comme on le voit clairement en lisant le livre de la Genèse, le même homme s’appelait tout à la fois Jacob et Israël ; aussi vous glorifiez-vous de ce que la maison de Jacob est en même temps la maison d’Israël.
Expliquez -nous donc ceci : le Prophète annonce d’abord qu’une montagne sera placée sur la cime des monts, et que toutes les nations se dirigeront vers elle, parce que la parole et la loi du Seigneur doivent sortir, non du Sinaï pour éclairer un seul peuple, mais de Sion et de Jérusalem pour illuminer tous les peuples : ce qui a eu lieu évidemment en Jésus-Christ, et pour les chrétiens. Un peu plus loin, le même prophète dit encore : « Et maintenant, ô maison de Jacob, venez : marchons à la lumière du Seigneur ». Selon votre habitude, vous allez certainement dire Nous voilà. Mais arrêtez-vous un peu à ce qui suit : de la sorte vous entendrez ce que vous ne voulez pas entendre, après avoir dit ce que vous vouliez dire. Le prophète ajoute immédiatement ces paroles : « Car il a rejeté son peuple, la maison d’Israël (1) ». Ici, dites : Nous voilà : ici, reconnaissez-vous, et pardonnez-nous de vous avoir rappelé ces passages. Si, en effet, vous les entendez volontiers, ils serviront à vous attirer : si, au contraire, ils vous irritent, ils tourneront à votre honte.
Consentez-y, n’y consentez pas, il faut que vous les entendiez. Ce n’est pas moi qui vous parle ; c’est un prophète dont vous lisez les écrits : par son organe, le Seigneur vous a certainement parlé ; sols livre jouit de l’autorité des saintes Ecritures, et vous ne pouvez l’en dépouiller. Suivant le commandement du Seigneur, il crie avec véhémence ; pareil à une trompette, il élève la voix ; il vous réprimande en ces termes (2) : « Et maintenant, ô maison de Jacob, venez ; marchons à la lumière du Seigneur ». Dans la personne de vos ancêtres, vous avez mis le Christ à mort. Depuis lors, vous avez refusé de croire en lui vous êtes restés en opposition avec lui ; mais vous n’êtes point encore condamnés sans remède, parce que vous n’êtes pas encore sortis de ce monde : vous avez maintenant facilité de vous repentir ; venez donc maintenant vous deviez le faire autrefois ; faites-le aujourd’hui. Le temps propice n’est pas écoulé pour celui qui n’a pas encore entendu sonner sa dernière heure. Mais si en qualité de maison de Jacob, vous avez suivi le prophète, et qu’à votre sens, vous marchiez dans la lumière du Seigneur, montrez-nous la maison d’Israël qu’il a abandonnée. Pour nous, nous vous montrons, d’une part, ceux que le Seigneur a appelés et séparés de cette maison, et de l’autre, ceux qui ont voulu y rester et qu’il a rejetés. Du milieu d’Israël il a appelé non-seulement les Apôtres, mais aussi, après la résurrection du Christ, un peuple immense : nous en avons déjà parlé plus haut ; mais il a rejeté ceux dont vous suivez les traces, en refusant de croire ; il vous a rejetés vous-mêmes, car, en les imitant, vous persévérez dans le même égarement. Ou bien, si vous êtes vraiment ceux qu’il a appelés, où sont ceux qu’il a rejetés ? Vous ne pouvez pas dire qu’il a rejeté une autre maison quelconque, car le Prophète dit clairement : « Il a rejeté son peuple, la maison d’Israël ». Voilà ce que vous êtes, et vous n’êtes pas ce que vous prétendez être.
Il a rejeté aussi la vigne dont il attendait des raisins et qui ne lui a donné que des épines, et il a défendu à ses nuées de laisser tomber sur elle une seule goutte de pluie. Mais il en a aussi appelé d’autres du même lieu, ce sont ceux auxquels il dit : « Jugez entre moi et ma vigne (1) ». Le Seigneur parle d’eux en ces termes : « Si c’est par Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos enfants les chasseront-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges (2) ». Puis il leur fait cette promesse : « Vous serez aussi assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël (3) ». La maison de Jacob, qui par fidélité à la vocation divine a marché dans la lumière du Seigneur, s’assoira donc pour juger Israël, c’est-à-dire son peuple abandonné par lui. Comment d’ailleurs peut-il se faire que, selon le même prophète, « la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient ait été placée à la tête de l’angle (4) », sinon, parce que des peuples circoncis et des peuples incirconcis, semblables à des murs élevés en sens divers, viennent se réunir dans l’angle comme dans un baiser de paix ? Aussi l’Apôtre dit-il
« C’est lui qui est notre paix, et qui, des deux peuples, n’en a fait qu’un (5) ». Ceux d’entre les enfants de Jacob ou d’Israël qui ont écouté la voix qui les appelait, sont donc adhérents à la pierre angulaire, et marchent dans la lumière du Seigneur ; mais ceux qui édifient des ruines et rejettent la pierre angulaire, sont ceux dont le Prophète a prédit l’abandon.
CHAPITRE IX. ABANDON DES JUIFS PLUS CLAIREMENT PRÉDIT PAR MALACHIE.
modifier12. Le sacrifice des chrétiens est offert partout, sur la terre et dans le ciel. Enfin, ô Juifs, voulez-vous compromettre votre salut en résistant au Fils de Dieu, et détourner de leur vrai sens ces paroles prophétiques pour les expliquer suivant les inclinations de votre cœur ? Voulez-vous, dis-je, entendre ces paroles en ce sens que la maison de Jacob et d’Israël désigne un même peuple, tout à la fois appelé et rejeté de Dieu, non un peuple dont certains membres auraient été appelés, tandis que les autres auraient été rejetés, mais un peuple appelé dans tous ses membres, pour marcher dans la lumière du Seigneur, après avoir été rejeté pour n’y avoir pas marché : ou bien, une nation, de telle sorte appelée dans les uns et rejetée dans les autres, que nulle division relative au sacrifice du Christ n’ayant eu lieu dans la table du Seigneur, on voit réunis, dans l’observance uniforme des anciens rites, ceux qui marchent dans la lumière du Seigneur et observent ses préceptes, et ceux qui ont méprisé sa justice et mérité d’en être abandonnés ? Si vous prétendez interpréter ainsi ces prophéties, que direz-vous ? Comment comprendrez-vous cet autre prophète qui vous coupe entièrement la parole, quand il vous adresse ces mots si clairs : « Mon affection n’est point en vous, dit le Seigneur tout-puissant ; et je ne recevrai point de sacrifice de votre main, car, depuis le lever du soleil jusqu’au couchant, mon nom est devenu grand parmi les nations et l’on me sacrifie en tous lieux ; et l’on offre à mon nom une ablation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant (1) ». A ce témoignage d’une évidence palpable, quel autre témoignage aussi éclatant pouvez-vous opposer ? Pourquoi vous élever encore avec une intolérable impudence ? Est-ce que vous n’en périrez pas d’une manière plus malheureuse ? Votre chute n’en sera que plus lourde.
« Mon affection n’est pas en vous, dit », non pas le premier venu, mais « le Seigneur tout-puissant ». Toutes les fois que vous entendez parler, d’une manière quelque peu avantageuse, de Jacob ou d’Israël, de la maison de Jacob ou de celle d’Israël, il semblerait, à vous croire, qu’il a été impossible de parler d’autres que de vous. Pourquoi donc vous enorgueillir ainsi d’appartenir à la race d’Abraham, quand le Seigneur tout-puissant vous dit : « Mon affection n’est point en vous, et je ne recevrai pas de sacrifice de votre main ? » Certes, vous ne pouvez le nier non-seulement il ne reçoit point de sacrifice de votre main, mais vos mains ne lui en offrent pas même un. D’après la loi de Dieu, l’endroit où vous devez offrir des sacrifices a été formellement désigné : cet endroit est unique, hors de là, tout sacrifice vous est interdit : aussi, parce que vos fautes vous ont mérité d’en être exclus, vous n’osez, nulle part ailleurs, offrir le sacrifice qu’il vous était permis d’offrir en ce seul endroit, et ainsi s’accomplit parfaitement la prédiction du Prophète : « Et je ne recevrai point de sacrifice de votre main ». Car, si dans la Jérusalem terrestre il vous restait un temple et un autel, vous pourriez dire que l’oracle de Malachie a été accompli à l’égard de ceux d’entre vous dont Dieu rejette les sacrifices à cause de leurs iniquités, tandis qu’il accepte les offrandes de ceux qui, parmi vous, observent ses commandements. Aucun motif ne vous autorise à tenir ce langage, puisqu’aucun de vous ne peut offrir de sa main un sacrifice selon la loi donnée sur le mont Sinaï. La prédiction et son accomplissement ne vous permettent pas non plus d’opposer à la sentence du Prophète cette réponse : Nous n’offrons fias de nos mains la chair des animaux, mais nous offrons, de cœur et de bouche, le tribut de nos louanges, selon cette parole du Psalmiste : « Immolez à Dieu un sacrifice de louange (1) ». Ici encore, vous êtes démentis par Celui qui a dit : « Mon affection n’est pas en vous ».
13. Ensuite, de ce que vous n’offrez à Dieu aucun sacrifice, et de ce qu’il n’en reçoit pas de votre main, il ne suit nullement qu’on ne lui en offre aucun. Celui qui n’a besoin d’aucun de nos biens, n’a pas, à la vérité, plus besoin de nos offrandes ; elles lui sont inutiles, mais elles nous procurent de grands avantages. Cependant, comme on lui fait de ces offrandes, le Seigneur ajoute ces paroles « Parce que, depuis le lever du soleil jusqu’à son couchant, mon nom est devenu grand parmi les nations, et l’on me sacrifie en tous lieux, et l’on offre à mon nom une oblation toute pure, car mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant ». A cela que répondrez-vous ? Ouvrez donc enfin les yeux et voyez : on offre le sacrifice des chrétiens partout, et non pas en un seul endroit, comme on vous l’avait commandé : on l’offre, non à un Dieu quelconque, mais à Celui qui a fait cette prédiction, au Dieu d’Israël. C’est pourquoi il dit ailleurs, en parlant à son Église : « Celui qui vous a sauvée, c’est le Dieu d’Israël qui sera appelé le Dieu de toute la terre (1) ». Vous lisez avec soin les Ecritures, parce que vous croyez y trouver la vie (2). Vous l’y trouveriez, en effet, si vous compreniez qu’il est question du Christ, si elles servaient à vous le faire reconnaître. Mais lisez-les avec plus d’attention encore ; elles rendent témoignage de ce sacrifice pur offert au Dieu d’Israël, non par votre seul peuple, des mains duquel il a prédit qu’il n’en accepterait point, mais par toutes les nations qui disent : « Venez, montons à la montagne du Seigneur (3) » : non en un seul endroit, dans la Jérusalem terrestre, comme cela vous était prescrit, mais par toute la terre et jusque dans la Jérusalem véritable : non selon l’ordre d’Aaron, mais selon l’ordre de Melchisédech, car il a été dit au Christ, et, aussi longtemps d’avance, il a été prédit du Christ : « Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable : Vous êtes le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech (4) ». Qu’est-ce à dire : « Le Seigneur a juré », sinon qu’il a affirmé sur son indéfectible vérité ? « Et il ne se repentira pas », si ce n’est qu’il ne changera jamais, pour aucun motif, ce sacerdoce ? Car Dieu ne se repent pas comme l’homme. On dit que Dieu se repent quand il change une chose établie par lui, et qui paraissait devoir durer. Aussi, lorsqu’il dit : « Il ne se repentira pas : Vous êtes le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech », il montre suffisamment qu’il s’est repenti, c’est-à-dire, qu’il a voulu changer le sacerdoce établi par lui selon l’ordre d’Aaron. Nous avons sous les yeux l’accomplissement de la prophétie relative à ces deux sacerdoces : dans aucun temple, en effet, il n’y a plus trace du sacerdoce d’Aaron, et celui du Christ subsiste éternellement dans le ciel.
14. Le Prophète vous appelle donc à cette lumière du Seigneur lorsqu’il dit : « Et main« tenant, vous, maison de Jacob, venez, marchons dans la lumière du Seigneur : Vous, maison de Jacob », qu’il a appelée et choisie, non pas « vous », qu’il a rejetés. « Car il a rejeté son peuple, la maison d’Israël (1) ». Tous ceux d’entre vous qui voudront venir de cette maison d’Israël, appartiendront à celle que le Seigneur a appelée : ils seront séparés de celle qu’il a rejetée. En effet, la lumière du Seigneur, dans laquelle marchent les nations, est celle dont le même Prophète a parlé en disant : « Voilà que je Vous ai établi pour être la lumière des nations, et le salut que j’envoie jusqu’aux extrémités de la terre (2) ». A qui ces paroles ont-elles été adressées, si ce n’est au Christ ? En qui ont-elles reçu leur accomplissement, si ce n’est dans le Christ ? Cette lumière ne se trouve point en vous, car il est encore écrit de vous
« Dieu leur a donné, jusqu’à ce jour, un esprit d’assoupissement, des yeux qui ne voient point, et des oreilles qui n’entendent pas (3) ». Non, dis-je, cette lumière n’est point en vous : aussi, par excès d’aveuglement, vous rejetez la pierre qui est devenue la tête de l’angle. « Approchez-vous donc de lui, afin que vous en soyez éclairés (4) ». Qu’est-ce à dire : « Approchez-vous », sinon, croyez ; car, pour vous approcher de lui, où irez-vous, puisqu’il est cette pierre dont parle le prophète Daniel, et qui, en grossissant est devenue une montagne si grande, qu’elle a rempli toute la terre (5) ? De là vient que les nations mêmes qui disent : « Venez, montons à la montagne du Seigneur », ne font nulle part aucun effort pour marcher et parvenir au but : elles montent là où elles se trouvent, car en tout lieu on offre un sacrifice selon l’ordre de Melchisédech ; et, selon ce passage d’un autre prophète : « Dieu anéantit tous les dieux des nations, et il est adoré par tout homme en tout pays (6) ». Lors donc qu’on vous dit « Approchez-vous de lui », on ne vous dit pas : préparez vos vaisseaux ou vos bêtes de somme, chargez-les de vos victimes, venez d’une contrée si lointaine, et arrivez à l’endroit où le Seigneur agréera les sacrifices offerts par votre piété. Mais on vous dit : Approchez-vous de Celui que vos oreilles entendent annoncer ; approchez-vous de Celui dont la gloire éclate à vos yeux : vous ne vous fatiguerez point à marcher, car dès que vous croirez, vous serez près de lui.
CHAPITRE X. AVEC QUELLE CHARITÉ IL FAUT ATTIRER LES JUIFS A LA FOI.
modifier15. Que les Juifs écoutent volontiers ces divers témoignages, ou qu’ils en ressentent de l’indignation, nous devons, très-chers frères, quand nous le pouvons, les leur rappeler en leur montrant que nous les aimons. Ne nous élevons point avec orgueil contre les branches séparées du tronc ; souvenons-nous plutôt de la racine sur laquelle nous avons été greffés rappelons-nous par la grâce dé qui, et avec quelle miséricordieuse bonté, et sur quelle racine nous avons été entés. ne nous élevons pas, mais tenons-nous dans l’humilité (1). Ne les insultons pas présomptueusement, mais tressaillons d’une joie mêlée de crainte, et disons-leur : « Venez et marchons dans la lumière du Seigneur, parce que son nom est grand parmi les nations (2) ». S’ils nous entendent et qu’ils nous écoutent, ils auront place parmi ceux à qui il a été dit : « Approchez-vous de lui, et il vous éclairera. Et vos visages ne rougiront point de honte (3) ». Si, au contraire, ils nous entendent et ne nous écoutent pas, s’ils nous voient et nous portent envie, ils sont du nombre de ceux dont il a été dit : « Le pécheur verra et il en sera irrité ; il grincera des dents et séchera de dépit (4) ». « Pour moi », dit l’Église au Christ, « je serai dans la maison du Seigneur comme un olivier qui porte du fruit : j’ai mis mon espérance dans la miséricorde de Dieu pour l’éternité et pour les siècles des siècles (5) ».