Contes populaires d’Afrique (Basset)/Appendice

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 437-444).

APPENDICE

TRADUCTION FRANÇAISE DES CONTES
163, 164, 165, 166.

163 (p. 423)

L’ÉLÉPHANT ET LE LIÈVRE EN SOCIÉTÉ


Uu jour l’éléphant dit au lièvre :

— Prenons un coin de terre, nous ferons un jardin.

Le lièvre accepte et dit à l’éléphant :

— Seulement, compère, faisons une convention ; celui dont la pioche se démanchera l’emmanchera sur la tête de son associé.

Le lièvre fait exprès de mal emmancher sa pioche qui se démanche à chaque instant. Et le lièvre de crier à l’éléphant :

— Compère, ma pioche s’est démanchée ; apportez-moi votre tête que je l’emmanche !

L’éléphant prêtait sa tête et le lièvre emmanchait sa pioche.

Voilà qu’une fois, la pioche de l’éléphant se démanche à son tour, et l’éléphant crie au lièvre :

— Compère, ma pioche est démanchée ; apporte-moi ta tête que je l’emmanche.

Le lièvre sent son cœur s’en aller. Il dit à l’éléphant :

— Quoi ! vous n’avez pas pitié de moi, mon camarade ! Une petite tête comme la mienne ! Du premier coup, vous me la casserez.

L’éléphant commence à se fâcher :

— Je ne sais pas tout ça, moi, compère. Nous avons fait une convention : quand votre pioche s’est démanchée, je vous ai donné ma tête ; maintenant, c’est ma pioche qui se démanche, vous devez me donner votre tête pour l’emmancher.

Le lièvre ne veut pas porter sa tête ; l’éléphant veut le battre ; une grosse dispute s’élève ; le lièvre se sauve. L’association est rompue : le lièvre et l’éléphant cessent de travailler en commun.

Voilà qu’un jour l’éléphant donne un bal. Il invite tous les animaux excepté le lièvre. C’est la tortue qui sera le ménétrier et le violon est une calebasse.

Quand le lièvre apprend que c’est la tortue qui doit faire danser, il lui dit :

— Commère, mettez-moi dans votre calebasse et je jouerai pour vous. Mais chaque fois qu’on vous donnera à boire, chaque fois qu’on vous donnera à manger, vous en mettrez un peu pour moi dans la calebasse.

Le bal commence. Le lièvre joue, la tortue lui donne à boire. Voilà le lièvre saoul tant il a bu, et il se met à chanter tout ce qui lui passe par la tête.

L’éléphant écoute, écoute. Il reconnaît que c’est le lièvre qui est dans la calebasse. Il se fâche et demande à la tortue pourquoi elle a apporté le lièvre dans la calebasse. Il veut battre la tortue, la calebasse tombe, la calebasse se casse et le lièvre se sauve.

164 (p. 429)

LE SINGE ET LA TORTUE


Il y avait une fois un singe et une tortue.

La tortue avait onze enfants ; le singe était un vagabond.

La tortue va travailler ; et son ouvrage fini, elle reçoit son salaire et va acheter une balle de riz.

En revenant chez elle, elle s’arrête au bord du chemin, met sa balle de riz par terre et va chercher du bois sec.

À son retour, elle trouve le singe assis sur sa balle de riz, le singe lui dit :

— Eh vous, commère, voyez : j’ai trouvé une balle de riz.

— Ce riz-là n’est pas à vous, compère ! ce riz-là est du riz que j’ai acheté pour mes enfants. Je l’ai laissé au bord du chemin parce que j’allais chercher du bois sec ; mais ce riz est à moi, rendez-le-moi.

Le singe ne veut rien entendre et dit :

— Ce qui est bon à ramasser est bon à garder ; je ne rends pas.

La tortue est désolée, mais que pouvait-elle faire ? Elle dit au singe :

— Eh bien, compère, vendez-m’en une livre.

— Impossible, commère ! mon riz n’est pas à vendre. Allez chez le Chinois.

— Bon, compère ! Un jour nous verrons.

Un jour, le singe était assis sur une branche d’arbre et sa queue traînait par terre. La tortue passe, elle voit cette queue, la saisit et crie :

— Me voila qui viens de trouver une queue de singe ! Ce qui est bon à ramasser est bon à garder ! Je ne rends pas.

— Eh vous, commère ! vous plaisantez, n’est-ce pas ? C’est ma queue ça !

— Le riz sur le chemin est à celui qui ramasse le riz ; la queue sur le chemin est à celui qui ramasse la queue.

Le singe se fâche : il tire sur la queue ; la tortue ne lâche pas et suit la queue. Le singe tire, la tortue suit : et le singe apporte le tout au tribunal.

Le juge était sur son siège, le singe lui dit :

— Mon juge ! condamnez la tortue à me rendre ma queue.

La tortue dit au juge :

— Mon juge, condamnez le singe à me rendre mon riz.

Le juge les fait parler. Quand il connaît toute l’affaire, il dit au singe :

— Où est le riz ?

Le singe se met à rire, et se frappant sur le ventre :

— Là dedans mon juge.

Le juge appelle un garde et lui ordonne d’apporter un billot. Le billot est apporté. Le juge donne l’ordre au garde de placer la queue du singe sur le billot, puis le garde la coupe en deux.

Le juge ensuite rend son jugement :

— Ce qui est bon à ramasser est bon à garder. Le singe a ramassé une balle de riz sur le chemin, la balle de riz lui appartient ; la tortue a ramassé un bout de queue sur le chemin, le bout de queue est à elle. Mais si le singe veut acheter ce bout de queue pour le coller à son autre moitié de queue, je condamne la tortue à vendre au singe ce bout de queue pour une balle de riz Balam.

Maintenant j’ai dit : Allez.

165 (p. 432)

COMPÈRE LAPIN ET MONSIEUR DINDON


Tous les soirs, quand compère lapin revenait de son travail, il traversait une cour où il y avait un gros dindon qui dormait sur son perchoir, et, comme tous les autres dindons, celui-là mettait aussi sa tête sous ses ailes pour dormir.

Tous les soirs, compère lapin s’arrêtait pour regarder ce dindon et il se demandait ce qu’il avait fait de sa tête. Enfin un soir, il fut si curieux qu’il s’arrêta en bas du perchoir et dit :

— Bonsoir, monsieur dindon.

— Bonsoir, dit le dindon sans lever la tête.

— Est-ce que vous avez une tête, monsieur dindon ?

— Oui, j’ai une tête.

— Où est-elle ?

— Elle est là.

Compère lapin eut beau regarder, il ne vit pas la tête de M. dindon. Comme il vit que le dindon ne voulait pas causer avec lui ni lui montrer où il mettait sa tête, il courut chez lui et dit à sa sœur :

— Est-ce que tu savais que pour se coucher les dindons ôtent leur tête ? Eh bien, je crois que je devrais faire la même chose, parce que cela donne moins de mal, de dormir sans tête, et les gens peuvent parler sans tête, puisque le dindon a parlé avec moi.

Avant que sa sœur eût eu le temps de lui rien dire, il prit une hache et se coupa la tête. Sa sœur essaya tous les moyens pour recoller la tête de son frère, mais elle n’y réussit pas parce qu’il s’était tué.

166 (p. 433)

PETITS GARÇONS ET GÉANTS


Il y avait une fois deux petits garçons qui vivaient dans une maison avec un fleuve tout droit derrière. Leurs parents leur avaient défendu de courir le long du fleuve, mais un jour, ils s’échappèrent, prirent un bateau qui était dans le fleuve et commencèrent à ramer, à ramer, je crois bien qu’ils ramèrent des millions de milles. Quand le soir fut arrivé, ils avaient bien peur et ne savaient pas où aller. Ils virent une lumière loin, loin, et en même temps, des géants vinrent pour les prendre. Ils montèrent sur un arbre, mais les géants secouèrent juste cet arbre et les pauvres garçons tombèrent. Les géants les portèrent dans leur maison où il y avait beaucoup d’autres petits garçons. Ils leur donnaient à manger du lait et du gruau pour les faire devenir gras et tous les jours, on tuait quelques petits garçons pour le dîner des géants.

Près de la maison des géants, il y avait une vieille femme qui était sorcière. Un jour, le père des petits garçons qui s’étaient sauvés vint près de la maison de la vieille femme avec ses amis et lui demanda si elle n’avait pas vu ses garçons. Elle lui répondit qu’ils étaient devant la maison à côté, devant laquelle il y avait un caillou pas plus grand qu’une petite bille. L’homme courut vers la maison, mais il trouva le caillou changé en une pierre grande comme une montagne. Il eut beaucoup de mal pour ôter cette pierre-là et ouvrir la porte ; mais il entra dans la maison, tua les géants et ramena ses petits garçons.