Contes populaires d’Afrique (Basset)/83

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 199-202).

83

LE CIEL, L’ARAIGNÉE ET LA MORT[1]


Le ciel avait une forêt remplie d’orties. Il dit qu’il donnerait sa fille en mariage à quiconque défricherait sa forêt. Alors l’éléphant arriva, prit un coupe-coupe et commença à défricher. Mais le ciel déclara que celui qui se gratterait en défrichant n’obtiendrait pas la main de sa fille ; au contraire, celui qui défricherait la forêt sans se gratter aurait la jeune fille.

L’éléphant se mit donc à défricher ; mais tout de suite, il se gratta. Alors les enfants du ciel allèrent lui dire :

— L’éléphant s’est gratté.

— Il ne sait pas défricher la forêt, dit le ciel.

Et il enleva sa fille des mains de l’éléphant.

Il appela toutes les bêtes sauvages ; elles vinrent en grand nombre, mais ne purent réussir à défricher la forêt sans se gratter.

Alors l’araignée dit qu’il voulait essayer, lui aussi ; il se mit à défricher et il demandait à Ouré, la fille du ciel :

— Tu connais le bœuf qu’on va prendre pour que tu me fasses à manger ? ici il a du noir, et là il a du rouge ; et ici, il a du blanc.

Et en disant cela, l’araignée se frappait, mais les enfants du ciel n’allèrent pas dire à leur père qu’il se grattait. Et ainsi l’araignée put finir de défricher la forêt. Et le ciel lui donna sa fille en mariage et lui fit cadeau d’un bœuf.

L’araignée dit :

— C’est à moi, ce bœuf : je ne veux pas que les mouches viennent se poser dessus pour en manger.

Et il alla dans un endroit où il n’y avait pas de mouches, afin d’y tuer son bœuf pour le manger. Il alla ainsi très loin. Quand il arriva son feu était éteint. Il dit alors à son petit garçon qui s’appelait Aba-Kan :

— Aba, tu vois ce feu là-bas : va en chercher pour que nous mangions notre bœuf.

Aba y alla : c’était la Mort qui dormait, Aba-Kan vit son anus qui était rouge, il crut que c’était du feu et, prenant un petit morceau de bois, il s’approcha de l’anus de la Mort pour l’allumer. À ce contact, la Mort s’éveilla et demanda :

— Qu’y a-t-il ?

Aba-Kan répondit :

— C’est papa qui te fait dire de venir pour que nous mangions du bœuf.

Et la Mort vint.

Dès que l’araignée aperçut la Mort, il lui dit :

— Oui, j’avais dit à Aba-Kan d’aller t’appeler.

— Eh bien, me voici, dit la Mort ; tuons le bœuf et mangeons.

Et ils tuèrent le bœuf.

— Donne-moi une épaule, dit la Mort.

L’araignée prit une épaule et la donna à la Mort qui n’en fit qu’une bouché », et qui dit à l’araignée :

— Donne-moi le bœuf tout entier.

L’araignée le lui donna tout et la Mort, sans bouger de place, l’avala tout entier.

L’araignée avait bien dit :

— Je ne veux pas que les mouches touchent à mon bœuf.

Mais déjà la Mort le lui avait mangé tout entier et il ne restait rien pour l’araignée.




  1. Maurice Delafosse, Essai de manuel de la langue agni, p. 170-173.