Contes populaires d’Afrique (Basset)/45

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 127-128).

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LE SOLITAIRE ET LES FEMMES[1].


Lorsque Yohani eut douze ans, le vieillard (qui l’avait élevé) réfléchit :

— C’est mon fils, se disait-il : son instruction est terminée ; je le mènerai à l’évêque pour qu’il devienne diacre.

Il partit avec Yohani et, s’étant un peu éloigné de sa demeure, il fit route pendant une demi-journée. L’enfant vit dix femmes qui portaient de l’eau dans de » jarres : elles étaient nues et avaient les seins allongés.

— Mon père, demanda Yohani, qu’est-ce que ces êtres singuliers et séduisants, qui ont quatre pieds et les cheveux longs ?

Auparavant, il n’avait jamais vu de femme. Le vieillard réfléchit :

— Voici, dit-il, que mon fils n’a jamais connu sa mère, ni rien du siècle ; pourquoi lui apprendrai-je la différence qui existe entre la femme et l’homme ? Puis s’adressant à lui :

— Mon enfant, ce sont des démons impurs qui prennent l’âme dans leurs rets ; si tu en vois encore, jette-toi dans le précipice.




  1. René Basset, Vie d’Abba Yohani. Alger, 1885, in-8, Fontana, p. 18-19.