Contes populaires d’Afrique (Basset)/43

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 121-123).

e) Arabe du Maroc.

43

LE HIBOU[1]


Il était une pauvre femme qui avait un fils. Ils ne possédaient qu’une chèvre. Ils l’égorgèrent et mangèrent sa chair. Le lendemain, le fils dit à sa mère :

— Porte cette peau au marché. J’irai te l’acheter ; assurément un juif viendra aussi pour te l’acheter et il te trompera. Je veux y aller et faire réussir l’affaire : nous arriverons, le juif et moi, et nous mettrons une enchère sur la peau.

Ils surenchérirent de sorte qu’elle arriva à cent mithqals. Ils la vendirent au Juif, emportèrent les cent mithqals lui et sa mère, et ils achetèrent des moutons qu’il emmena paître.

Dans la forêt, il rencontra un hibou dans une maison déserte. L’oiseau cria :

— Mouak !

Le berger demanda :

— Combien m’en donnes-tu ?

— Mouak.

— Cent réaux ?

— Mouak.

Ils recommencèrent.

— Que Dieu t’en fasse profiter ! (marché conclu), dit le berger.

Il rentra à la maison et dit à sa mère :

— J’ai vendu le troupeau.

— À qui ?

— À un hibou.

— As-tu jamais vu les gens vendre à des hiboux ?

— Je le lui ai vendu. C’est fait.

— T’a-t-il payé ?

— Je suis convenu avec lui de quinze jours.

Quand le délai fut passé, il retourna à cette maison et rencontra le hibou qui lui dit :

— Mouak.

— As-tu apporté l’argent ?

— Mouak.

— Donne-le.

Alors il lui lança une pierre. Le hibou s’envola. Le jeune homme le suivit jusqu’à son trou : il y entra et trouva une marmite pleine de réaux. Il en prit cent pour prix des moutons et s’en revint à la maison.

— Le hibou m’a payé, dit-il à sa mère.

— Où cela ?

— Dans sa demeure.

— Tu connais le chemin de l’endroit où il t’a payé ?

— Oui, je le connais.

Sa mère alla avec lui au trou du hibou ; ils entrèrent, prirent la marmite pleine de réaux et revinrent à la maison.

La femme prit son fils et le cacha dans la cave. Elle apporta un moulin et un crible pour moudre et cribler l’eau. Les gens vinrent lui dire le lendemain :

— Lâche ton fils.

Ils allèrent le voir et le saluèrent.

— Salut ! leur dit-il ; que béni soit le bien qui nous est tombé hier !

— Quel bien, demandèrent-ils.

— J’ai passé la nuit avec la pluie et le tonnerre.

Quand il eut recouvré la raison, elle le fit sortir du silo et le maria à une jeune fille.

L’histoire est terminée ; je les ai laissés et je suis venu ici.



  1. Socin et Stumme, Die arabische Dialekt der Houwara, Leipzig, Hirzel, 1894, in-8, p. 34-37, 98-99.