Contes populaires d’Afrique (Basset)/22

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 61-63).

VI. — BILIN[1]

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LE RENARD, LE BABOUIN ET LE LION[2]


Le renard et le babouin firent une course et convinrent de ceci :

— Ce que nous trouverons, nous le mangerons en commun.

En route, ils arrivèrent à un grand sycomore qui avait des fruits mûrs. Le babouin grimpa et dit :

— Mange, renard.

— Pour ma part, je n’en mange pas, répondit-il.

Le babouin réfléchit :

— Que signifie donc notre accord ? Ce que nous trouverons, nous le mangerons en commun. N’était-ce pas ainsi ?

— Moi, du moins, je ne mange que de la viande, répliqua le renard ; t’ai-je dit : Nous, nous mangerons des fruits ?

— T’ai-je dit : nous mangerons de la viande ? repartit le babouin. Ne disions-nous pas : ce que nous trouverons, nous le mangerons en commun ?

Le renard répondit :

— Moi, du moins, je ne mange que de la viande, les fruits peuvent être bons pour les singes.

— Alors laisse-les, dit le babouin.

Il mangea les fruits et fut rassasié. Ils continuèrent leur route.

Ils arrivèrent à un mûrier dont les fruits étaient mûrs.

— Mange maintenant, dit le babouin.

— Ce n’est pas là ma nourriture, répliqua le renard, et il s’assit.

Le babouin mangea de nouveau.

— Je vais chez moi, dit le renard.

Le babouin s’en retourna chez lui après avoir mangé toute la journée. Il monta pour dormir sur sa muraille de rochers. Le renard alla trouver le lion. Celui-ci lui demanda :

— Où est votre butin ?

Le renard répondit :

— Le babouin m’a amené vers des fruits : j’avais beau lui dire : conduis-moi où sont les vaches, il ne m’a amené que vers des fruits. Lui en a mangé et m’a laissé mourir de faim ; je viens vers toi en affamé ; j’ai laissé là-bas le babouin.

Le lion parla de façon à réjouir le renard, mais en lui-même, il se moquait de lui :

— Attends, babouin, lu laisses mourir de faim le renard, mon enfant ! Console-toi, je suis ton père.

Et ils demeurèrent ensemble.



  1. Le Bilin est parlé aux environs de Kéren, dans l’Érythrée italienne.
  2. Reinisch, Die Bilin Sprache, t. I, Leipzig, 1883, Fernau, in-8, p. 220-222.