E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 3-4).

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LES MEMBRES ET L’ESTOMAC[1]


Procès du ventre et de la tête, où sont publiés les plaidoyers faits par devant les juges suprêmes, tandis que leur président veillait à ce qu’on démasquât le mensonger, son œil ne cessait de pleurer. Accomplis les rites exigés — pour le dire qui déteste les iniquités. — Après que le ventre eut dit sa plainte, la tête prit la parole longuement :

— C’est moi, moi la maîtresse poutre de la maison entière ; tous les membres (s’appuient) sur moi et sont en joie. Mon front est joyeux, mes membres sont vigoureux, le cou se tient ferme sous la tête, mon œil voit loin, la narine se gonfle et aspire l’air ; l’oreille s’ouvre et entend ; la bouche émet des sons et cause ; les deux bras sont vigoureux et font si bien que l’homme arrive à la considération, marche le front levé, regarde en face les grands comme les petits… C’est moi qui suis leur reine ; c’est moi la tête de mes compagnons qui ferai un très mauvais parti à qui a tenu ce langage. N’est-il pas faux ? Qu’on m’appelle la tête. C’est moi qui fais vivre…




  1. Maspéro, Études égyptiennes, t. I, Paris, p. 260 : Fragment d’une version égyptienne de la fable des membres et de l’estomac.