Contes indiens (Feer)/Récit/18

(p. 127-130).


RÉCIT DE LA 18e FIGURE




Un autre jour encore, l’auguste roi Bhoja étant venu jusqu’auprès du trône pour se faire sacrer, la dix-huitième figure lui dit : « Pour être digne de siéger sur ce trône, un roi doit avoir des qualités royales telles que la force, la générosité, etc. ; je vais te les dire. Écoute :

« Un jour, comme le grand roi l’auguste Vikramâditya était assis sur son trône, son portier se présenta devant lui en faisant l’anjali et lui apporta cette nouvelle : Eh ! grand roi, j’ai entendu aujourd’hui un récit merveilleux. Sur la cime du mont Udaya se trouve l’autel d’une divinité, devant lequel s’étend un lac qu’on n’a pas encore vu, et où l’on descend de quatre côtés par des escaliers en or et resplendissants, ornés de pierreries, de perles et de corail. Au milieu de ce lac est une colonne en or, et sur cette colonne un trône, également en or, enrichi de divers joyaux. Depuis le lever du soleil jusqu’à midi, la colonne s’élève par degrés, portant le trône, et finit par toucher le disque du soleil ; depuis midi jusqu’au coucher du soleil, elle s’abaisse par degrés jusqu’à se retrouver au milieu du lac comme elle y était d’abord. Il en est ainsi chaque jour.

« Après avoir entendu ce récit de la bouche du portier, le roi, dont la curiosité était éveillée au plus haut point, s’éleva à l’aide de ses chaussures magiques, vint près du lac et se tint sur le bord. Au lever du soleil, la colonne sortit de l’eau grandissant toujours. À ce moment, l’auguste Vikramâditya monta sur le trône que supportait la colonne et s’y installa. La colonne grandissait progressivement ; à midi, elle s’était élevée jusqu’au disque du soleil. Sur le trône que supportait la colonne, l’auguste Vikramâditya, grillé par la chaleur insupportable du soleil, perdit connaissance. Aussitôt l’auguste divinité du soleil, témoin de l’héroïsme de l’auguste Vikramâditya, fut extrêmement satisfaite ; elle fit pleuvoir l’Amrita sur le corps de l’auguste Vikramâditya et lui fit reprendre ses sens. Dès qu’il eut repris connaissance, l’auguste Vikramâditya fit d’abord un acte d’adoration et de foi, puis adressa plusieurs hymnes à l’auguste divinité du soleil. L’auguste divinité du soleil, toute satisfaite des hymnes du roi, lui donna chaque jour une paire de boucles d’oreilles en or pesant un Bhâra. Nanti de la paire de boucles d’oreilles qu’il devait à la faveur de l’illustre soleil, le roi s’éleva à l’aide de ses chaussures magiques et retourna le soir dans sa capitale. Pendant le trajet, un homme extrêmement pauvre s’étant trouvé sur son chemin, il fut ému de compassion et donna à ce pauvre sa paire de boucles d’oreilles. »

Après avoir fait ce récit à l’auguste roi Bhoja, la dix-huitième figure ajouta : « Eh ! roi Bhoja, si tu as une puissance semblable, tu parviendras à t’asseoir sur ce trône. »

Comprenant que sa puissance n’allait pas jusque-là, l’auguste roi Bhoja se désista encore ce jour-là.