Contes indiens (Feer)/Récit/14

(p. 107-110).


RÉCIT DE LA 14e FIGURE




Une autre fois encore, l’auguste roi Bhoja s’approcha du trône pour se faire sacrer. La quatorzième figure dit au roi Bhoja : « Eh ! roi Bhoja, écoute :

« L’auguste roi Vikramâditya exerçait la royauté complète dans la ville d’Avantî. Il avait un ami appelé Sumitra, qui sortit de chez lui pour faire un voyage aux étangs sacrés. Après avoir visité divers étangs, le pèlerin s’approcha d’un étang appelé Çakrâvatar et qui appartenait à une divinité appelée Yugâdideva. Après avoir fait son offrande et adressé ses louanges à la divinité, il entra dans la ville ; là, il vit, près d’un temple des dieux, un chaudron plein d’huile brûlante exposé à un feu ardent. Il questionna les gens qui se trouvaient là et qui lui dirent : Il y a dans ce lieu une femme aux membres divins appelée Madanasanjîvanî qui est la reine de ce pays ; tout ceci lui appartient. L’homme qui entrera dans ce chaudron plein d’huile sans en mourir est celui qui deviendra notre seigneur.

« Après avoir recueilli ce propos de la bouche de ces gens, Sumitra vit Madanasanjîvanî ; il admira ses formes, sa prestance, sa beauté, ses charmes et devint fou d’amour. De retour dans la ville d’Avantî, il informa l’auguste Vikramâditya de toute cette aventure. Après avoir entendu le récit de Sumitra, le roi fut tout entier à la curiosité ; il alla près du chaudron plein d’huile et sauta dans le liquide. À la nouvelle de cet événement, Madanasanjîvanî arriva ; quand elle vit devant elle l’auguste Vikramâditya, elle oignit d’Amrita le corps brûlé (du roi) qui redevint tel qu’il était auparavant, sans brûlure et sans souffrance. La belle aux membres divins dit à Vikramâditya : Eh ! grand roi, c’est une grande qualité chez un roi que (de savoir subir) de cruelles souffrances ; or, quelle plus grande souffrance peut-on subir que celle qui consiste à entrer dans un chaudron d’huile bouillante ? C’est pour éprouver l’humanité du roi que j’ai disposé cet appareil ; j’estime que ton humanité est très grande. Aussi je suis contente de toi. Sois avec moi le maître de ce pays Ratnavatî.

« Après avoir imaginé de tels moyens de prendre le roi par diverses sortes de paroles affectueuses, elle dit encore au roi : Eh ! grand roi, tu es riche dans ce Samsâra, puisque tu as su garder ton cœur de toutes convoitises pour une femme aussi belle que moi, aussi bien que pour une félicité royale telle que la mienne.

« À ce moment, le roi, sur un signe de Sumitra, fit son ami Sumitra roi de ce pays, et lui donna en même temps Madanasanjîvanî ; après quoi, il retourna dans sa capitale.

La quatorzième figure, après avoir fait ce récit à l’auguste roi Bhoja, ajouta : « S’il y a en toi une pareille munificence, alors tu es digne de t’asseoir sur ce trône. » En entendant ces paroles, le roi Bhoja se retira encore ce jour-là.