II. — HISTOIRE

§ 2. — VIKRAMÂDITYA ET ÇÂLIVÂHANA

Quand nous parlons « d’histoire », il est bien entendu qu’il ne peut être question de retracer la vie de Vikramâditya, ni même de faire la critique des faits cités dans le recueil pouvant avoir un caractère historique ; il s’agit simplement de recueillir et résumer ces faits. Voici à quoi ils se réduisent :

Bartrihari ayant été sacré roi d’Avantî, son jeune frère Vikramâditya, froissé par nous ne savons quelle injure, prit le parti de s’expatrier. Cependant Bartrihari finit par prendre le monde et la royauté en dégoût ; il quitta le trône et se fit ermite. Il ne laissait pas de fils, et on ne put lui trouver un successeur convenable. Vikramâditya sortit alors de sa retraite, se présenta comme candidat au trône, fut agréé, et régna glorieusement jusqu’au jour où il périt sur le champ de bataille en combattant Çâlivâhana. Sa première épouse était alors enceinte ; elle attendit le moment de sa délivrance pour « entrer dans le feu », c’est-à-dire, pour se brûler et suivre son mari dans la mort. Le fils qu’elle laissa fut élevé par les conseillers du feu roi et régna à son tour sous le nom de Vikramâsena.

La lutte de Vikramâditya et de Çâlivâhana est de nouveau décrite dans le conte vingt-troisième, mais d’une manière différente. Çâlivâhana, appelé Çâlavâhana, y est représenté comme un enfant merveilleux qui triomphe de son adversaire ; mais Vikramâditya est sauvé grâce à sa piété. S’il fallait concilier les données de ce récit avec celles de l’introduction (ce qui n’est pas d’une absolue nécessité), il faudrait, sans doute, admettre qu’il y eut plusieurs guerres entre les deux rois. Mais il y a une autre difficulté plus sérieuse. Çâlivâhana est le nom du roi auquel se rapporte l’Ère dite Çâka, qui correspond à 76 ou 78 de notre ère. Tandis que le règne et même, à ce qu’on dit, la mort de Vikramâditya sert de point de départ à l’ère dite Samvat qui commence à l’an 56 avant la nôtre. Il est donc bien difficile d’admettre que ces deux personnages aient été contemporains, puisque les deux dates sont séparées par un intervalle de 76 + 44 = 120 ans, à moins de supposer que l’ère Samvat commencerait à la naissance ou à l’avènement de Vikramâditya et l’ère Çâkâ à la mort de Çâlivâhana ou à des dates assez voisines de ces deux événements. Il est vrai qu’on a toujours la ressource d’admettre plusieurs rois du nom de Çâlivâhana, de même que l’on a imaginé plusieurs Vikramâditya. Mon intention n’est pas de débrouiller la chronologie et l’histoire de l’Inde ; j’ai voulu tout simplement signaler les faits qui peuvent avoir une apparence historique et, dès lors, je ne pouvais me dispenser de signaler en passant les difficultés qu’ils soulèvent. Je passe maintenant à d’autres considérations.