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Traduction par Ely Halpérine-Kaminsky.
Contes et fablesLibrairie Plon (p. 239-241).


LA SOURCE


Par une chaude journée d’été, trois voyageurs se réunirent auprès d’une fraîche source.

La source se trouvait au bord du chemin, entourée d’arbres et d’un humide gazon ; l’eau, pure comme une larme, coulait dans un bassin creusé naturellement dans la pierre, puis retombait et se répandait dans la plaine. Les voyageurs se reposèrent à l’ombre de ce bosquet, et se désaltérèrent à la source.

Au bord du ruisseau, ils virent une pierre sur laquelle étaient tracés ces mots : « Ressemble à cette source. » Les pèlerins lurent cette inscription, et se demandèrent quelle en était la signification.

— C’est un bon conseil, dit l’un d’entre eux, un marchand.

Le ruisseau coule sans cesse, s’en va au loin, reçoit l’eau des autres sources, et devient grande rivière. C’est ainsi que l’homme doit suivre son chemin, s’occuper de ses affaires, et il aura toujours du succès et amassera des richesses.

— Non, dit le deuxième voyageur, un jeune homme. À mon avis, cette inscription signifie que l’homme doit préserver son âme des mauvais instincts, des mauvais désirs ; son âme doit être aussi pure que l’eau de cette source. Cette eau, maintenant, donne la force à tous ceux qui, comme nous, s’arrêtent près de la source ; si ce ruisseau avait traversé l’univers et si son eau était trouble, de quelle utilité serait-elle ? qui voudrait en boire ?

Le troisième voyageur était un vieillard ; il sourit et dit :

— Le jeune homme a dit la vérité ! Telle est la leçon ! Que ce ruisseau donne gratuitement à boire à ceux qui ont soif ; il apprendra à l’homme qu’il fait le bien et qu’il le fait à tous indistinctement, sans récompense, et sans compter sur la reconnaissance.