Traduction par Ely Halpérine-Kaminsky.
Contes et fablesLibrairie Plon (p. 125-127).


SOUDOMA

CONTE


Dans le gouvernement de Pskov, il y a une petite rivière, Soudoma, et sur les bords de cette rivière sont situées deux montagnes, l’une en face de l’autre.

Sur l’une de ces montagnes, se trouvait jadis une petite ville, Vychgorodok.

Sur l’autre montagne, les Slaves, autrefois, rendaient la justice.

Les vieux racontent que, dans l’ancien temps, sur cette montagne, une chaîne descendait du ciel, et que celui qui avait raison pouvait atteindre de la main cette chaîne, tandis que celui qui avait tort ne le pouvait pas.

Un jour, un homme emprunta de l’argent et nia sa dette ; on amena le créancier et le débiteur sur les bords de la Soudoma, et on leur ordonna de saisir la chaîne.

Le créancier leva la main et l’atteignit. Le débiteur vint à son tour, et consentit à l’épreuve.

Or notre homme était boiteux ; il tendit sa béquille au plaignant, afin qu’il lui fût plus facile d’atteindre la chaîne ; il l’atteignit en effet, et tout le monde s’étonna. Comment tous deux pouvaient-ils avoir raison ?

C’est que la béquille était creuse, et qu’il avait caché l’argent à l’intérieur.

Quand il avait tendu la béquille contenant l’argent, il avait rendu par le fait au créancier ce qu’il lui devait ; voilà pourquoi il avait pu saisir la chaîne, et c’est ainsi qu’il avait trompé tout le monde.

Mais à partir de ce jour-là, la chaîne remonta au ciel et ne redescendit plus jamais.

C’est, du moins, ce que prétendent les anciens.