Contes et fables/Le Moujik et le cheval (2)

Traduction par Ely Halpérine-Kaminsky.
Contes et fablesLibrairie Plon (p. 163-164).


LE MOUJIK ET LE CHEVAL

FABLE


Un moujik partit pour la ville afin d’acheter de l’avoine pour son cheval.

À peine eut-il quitté le village, que le cheval tourna bride et revint du côté de la maison.

Le moujik fouetta le cheval.

Le cheval partit en pensant : « Quel imbécile ! où veut-il me faire aller ? Ne vaudrait-il pas mieux retourner chez nous ? »

Avant d’arriver à la ville, le moujik s’aperçut qu’il était fatigant pour son cheval de marcher dans la boue, et lui fit prendre le milieu de la chaussée.

Et, de nouveau, le cheval tourna bride.

Alors, le moujik fouetta encore le cheval qui resta sur la chaussée et pensa : « Pourquoi m’a-t-il conduit sur la chaussée, où je vais briser mes fers ? le sol est si dur ! »

Le moujik s’arrêta devant une boutique, acheta l’avoine et s’en retourna.

Quand il arriva à la maison, il donna l’avoine au cheval ; et, tout en mangeant, l’animal songeait :

« Que les hommes sont bêtes ! Ils se croient plus intelligents que les animaux ; cependant, ils ont moins d’esprit que nous. Pourquoi tout ce mal ?… Pourquoi ce voyage ? Pourquoi me dérangea-t-il ? Nous avons beaucoup voyagé, et pourtant nous sommes revenus ; il eût mieux valu rester chez nous, lui, sur son fourneau, et moi, à manger mon avoine. »