Contes du lit-clos/Le Tricot de laine

Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 211-212).
LE TRICOT DE LAINE




Malgré le grand Vent
Qui gronde sans trêve
Léna Le Morvan
S’en vient à la grève,
S’en vient en chantant
Une cantilène,
Tout en tricotant
Un beau gilet de laine.

Son « point de tricot »
Connu d’elle seule
Lui vient de Margot,
Sa défunte aïeule ;
Et son homme — un fier
Et beau capitaine —
Mettra cet Hiver
Ce bon gilet de laine.

Sur un bâtiment
De pêche il commande…
Mais, en ce moment,
Il revient d’Islande :
« Jamais reprisé,
« Huit mois à la peine,
« Qu’il doit être usé
« Son vieux tricot de laine ! »


La Mer, aujourd’hui,
A l’air de lui dire :
« J’amène Celui
« Que ton cœur désire. »
Songeant au retour
La joyeuse Élène
Met tout son amour
Dans son tricot de laine.

Près d’elle, soudain,
L’Océan qui bave
Jette avec dédain
Une horrible épave :
C’est un naufragé
Recouvert à peine
D’un « ciret » rongé
Et d’un tricot de laine.

Jetant son tricot
Dans la Mer menteuse,
Avec un sanglot
Meurt la tricotteuse :
Sur le corps mi-nu
Que la Vague amène
Elle a reconnu
Son vieux tricot de laine !…








(Musique de Théodore Botrel. — G. Ondet, éditeur.)