Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 18

Ernest Leroux (p. 143-146).

LES MABO[1]


Toutes les familles de Mabo (tisserands) descendent de Diounté : c’est un homme du Cayor (Sénégal), qui gagnait sa vie en tissant et changeait de pays suivant les nécessités. Il avait deux fils, Ké Diam Diounté et Boukar Diounté, mais pas de filles.

C’est un djinn qui lui appris le tissage. Il se promenait dans la brousse quand il a rencontré un djinn qui tissait : il s’est approché sans être vu et a observé comment il s’y prenait. Tout à coup le djinn s’est retourné et s’apercevant que Diounté le surveillait, s’est enfui avec son métier. Diounté a passé la nuit dans la brousse : au matin il est rentré chez lui et a imité exactement ce qu’avait fait le djinn. C’est ainsi qu’il s’est mis à tisser le coton.


Le totem (ouada en toucouleur) de la famille mabo des Sangor (ou Sangott ou Sangoss) est l’oiseau Laral, qu’ils peuvent toucher mais non tuer : même s’ils en trouvent un mort, ils n’y doivent pas toucher. Voici l’origine de cette défense. Beaucoup de mabo souffraient de la faim : ils partent dans la brousse chercher de la nourriture : ils ne trouvent rien et marchent jusqu’à ce que, épuisés, ils s’arrêtent sous un arbre. Sur celui-ci était perché un laral : sa queue était mouillée et une goutte d’eau tombe à terre. Le haut de l’arbre était creux et l’oiseau y buvait. Les mabo y sont montés et ont bu, ce qui leur a permis de continuer leur route. Le chef a défendu à tous les gens de sa famille de faire du mal au laral. Si l’un des Sangor trouve un laral captif, il doit le racheter et lui rendre sa liberté.


Un homme autrefois était endormi. Pendant la nuit vint un djinn, qui dessina par terre un marteau, des tenailles et un fer de houe (daba). En se réveillant l’homme a fait fondre un caillou et a fait un marteau, des tenailles, une hache, un fer de houe et bien d’autres choses. Ce fut le premier forgeron.


Dans la Fouta Toro il y a un village appelé Lobali, dont le chef s’appelait Moudo Ardo. À côté du village, se trouvait le marigot Borkoli ; la permission du chef était nécessaire pour y pêcher. Un jour, un homme du village est allé pêcher sans permission et a fait des sortilèges. Les poissons sont rentrés en terre et on n’a plus pêché que des crapeaux et des petites bêtes. Alors les gens du village ont donné deux cents pièces de guinée pour obtenir le pardon de Moudo Ardo. Il leur a pardonné et leur a dit de venir le lendemain. Il a pris des allumettes, a été dans la brousse et a mis le feu à l’herbe sèche. Le lendemain il a été au marigot et tout le monde a pris du poisson. Seulement, encore aujourd’hui, chaque poisson a la queue brûlée.


  1. Amadou Sangor, tisserand de Nioro, m’a raconté cette série.